Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme Zode, de cette façon, vous aurez la conscience nette et Paul ne pourra plus se targuer de vous prendre en faute. Et puis, une lettre peut se perdre, tandis qu’une visite à votre frère le réconfortera mieux, insinua doucement la tentatrice, vous n’aurez qu’à prétexter un thé chez une amie.

Denise regardait la cousine de son mari avec horreur. Ses regards étaient fixés sur elle avec tant d’intensité, que la perfide dame détourna les yeux.

Après un silence, où Denise eut la velléité de jeter cette femme à la porte, elle lui dit :

— Madame, veuillez garder vos conseils pour vous… Je n’en accepte que de mon mari…

Mme Zode se tut. Elle lança un coup d’œil haineux sur sa victime, en véritable araignée qui guette une proie, et elle sortit.

Denise maintenant, était convaincue que Mme Zode l’avait trahie. Elle se repentit amèrement d’avoir eu confiance en elle et se demanda quelle serait son existence désormais entre ces deux êtres. Mme Zode n’était qu’un instrument, mais il aidait si puissamment la volonté de Domanet que cela en devenait infernal.

Elle distinguait quel piège, elle lui avait tendu et celui dans lequel elle aurait de nouveau voulu la faire tomber.

Comment s’arracher de ces mains terribles qui lui enlevaient, bribe par bribe, sa tranquillité ? Elle se sentait vieillie à vingt-six ans, comme si elle eût subi tous les malheurs du monde.

Alors qu’elle était là, à méditer douloureusement, Richard vint la retrouver.

Avec son air franc et décidé, il lui dit :

— Cousine Zode a été méchante avec Rita… elle lui a tapé sur les doigts parce que Rita a laissé tomber sa cuillère.

— Oh ! riposta doucement Denise, c’était pour plaisanter sans doute ?

— Non… non… elle a pris la petite pelle de Rita, et avec le manche… pan… pan… c’est du bois dur tu sais maman.

— Mais c’est inadmissible !… s’écria Denise.

— Viens voir Rita… elle pleure…

— Sa bonne n’était donc pas là ?

— Elle cherchait le potage de ma petite sœur.