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ÉPREUVES MATERNELLES

Elle arriva la démarche silencieuse. Sitôt qu’elle fut devant Denise, elle ne lui laissa pas le temps de parler et s’écria d’un accent pathétique :

— Pauvre petite enfant, vous avez cru sans doute que je vous avais trahie, alors que j’aurais donné des années de ma vie pour vous éviter cette peine affreuse… Vous connaissez Paul… il suffit qu’on veuille lui cacher un fait, pour qu’il devine qu’on agit en arrière de lui. Il m’a rencontrée dans l’antichambre. Il a sans doute lu sur mon front, mais avant que j’aie pu esquisser un geste, il m’a dit : « Donnez-moi la lettre que vous allez mettre à la poste ». De plus rusées que moi, convenez-en, y eussent été prises… D’abord interloquée, j’ai voulu protester, mais je n’ai pu me défendre longtemps… Figurez-vous que j’ai même cru un moment que c’était vous qui aviez été forcée d’avouer cette lettre… Je ne savais plus que penser… Je vous accusais d’avoir manqué de fermeté… j’ai été désespérée… Pourrez-vous me pardonner ?

Ces paroles avaient été débitées sans une hésitation, comme si elles eussent été apprises par cœur. Mme Zode se tordait les mains de désespoir et des larmes roulaient dans ses yeux. Denise la regardait indécise. D’abord, elle eut l’intuition que cette femme mentait, mais à mesure qu’elle parlait, le doute entrait dans son âme. Comment discerner le vrai du faux ?

— Je vous en supplie, reprit Mme Zode, dites-moi que vous ne m’en voulez pas…

Elle répondit lentement :

— J’ai pensé que vous m’aviez dénoncée…

— Ah ! mais vous ne le croyez plus ?… gémit sa compagne… Si vous m’aviez vue !… J’étais dans un état fou… je ne savais plus quelle conduite tenir… Pouvais-je nier quand Paul m’assurait que votre lettre était dans mon sac ?

Les mots sonnaient sincères et Denise se dit que cette femme pouvait ne pas être aussi méchante qu’elle lui avait semblé.

— Je suis toute prête, offrit Mme Zode, à me charger d’une autre lettre.

— C’est inutile, interrompit Denise, je n’écrirai pas…

— Vous avez raison, dit plus vivement encore