Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’avoir pu se faire mieux comprendre. Elle parla de la dureté de son mari, de sa méprise à l’égard de son caractère. Elle vanta la grâce de ses enfants, la fermeté naissante de Richard et le charme affectueux des trois ans de Rita.

Enfin, elle cacheta sa lettre, et la confia, non sans un pressentiment obscur à celle qu’elle croyait devenue son amie.

Pourquoi n’obéit-elle pas à cet instinct qui lui suggérait de garder cette lettre ?

Mme Zode reçut ce dépôt avec une sorte de respect. Denise lui dit :

— Je vous remets là tout mon cœur, Madame. Vous m’avez si bien convaincue de votre sympathie que je joue ma paix future… Mais vous m’avez tellement engagée à réconforter mon frère que je vous ai écoutée…

— Ayez confiance en mon aide… je vous sers avec tout mon dévouement… Je vais de ce pas la jeter à la poste.

Mme Zode sortit.

Denise était allégée de sa douleur. De savoir que son frère allait la plaindre et prier pour elle, la transportait dans un monde nouveau.

Deux jours passèrent dans une tranquillité relative. Puis, brusquement, un matin, la tempête éclata. Paul Domanet entra dans le boudoir de sa femme. Elle s’occupait à un ouvrage féminin. Sans préparation, le masque dur, son mari lui dit :

— C’est ainsi que vous transgressez mes ordres ?

— Quels ordres ?… s’inquiéta-t-elle, ne se doutant pas qu’elle était trahie.

— Vous ai-je interdit, oui ou non, d’écrire à votre frère ?

Tout de suite, Denise comprit. La douleur fut d’abord plus forte que l’indignation. De savoir que la tendre pitié qu’elle implorait de ce frère aimé et souffrant lui serait refusée, elle eut un gémissement sourd que remarqua Domanet.

— Vous avouez, n’est-ce pas ?

Alors seulement, elle se redressa :

— Cette femme indigne a abusé de ma confiance… cette femme que vous payez sans doute pour m’espionner m’a flattée et poussée au point de me con-