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— Je n’enseigne nullement ces choses à mes enfants, se défendit Denise et j’ignore pourquoi Richard a prononcé cette phrase.

Ce fut le seul incident de ce genre que souleva Mme Zode. Peut-être avait-elle senti qu’elle était allée trop loin, mais elle ne le renouvela pas. Elle redoubla de prévenances envers la mère et les enfants et s’efforça de rendre de menus services à Denise qui fut presque tentée de croire à sa sympathie.

Dans le désarroi nouveau qui la bouleversait, elle ne savait quel parti prendre. Elle conservait une certaine appréhension de se confier à Mme Zode, et cependant elle se sentait si seule et souffrait tant qu’elle éprouvait le besoin d’avoir une âme en qui s’épancher.

Cette femme, pensait-elle, ne pourrait cependant pas être aussi cruellement perverse. Elle la comprendrait dans sa peine fraternelle.

Mais elle n’eut pas à parler la première. Comme si Mme Zode devinait ses hésitations, elle aborda le sujet et sollicita des confidences :

— Ma pauvre petite, je comprends vos angoisses ; votre frère est le seul parent qui vous reste et il est naturel que vous désiriez le voir. Mon cousin, dans ce cas exceptionnel, me semble bien intransigeant.

Denise, encouragée par ces paroles, soulagée par leur ton qui paraissait sincère, eut une explosion de larmes. Dans sa droiture, elle prenait cette ouverture comme une compassion relative à sa situation. Quand elle put répondre, elle murmura :

— Comme vous êtes bonne de me comprendre… J’ai en effet, une peine mortelle d’avoir été obligée d’écrire à mon frère une lettre semblable. Il y a si longtemps que je ne l’ai vu !… Depuis, la mort de nos parents a passé, ainsi que mon mariage… et j’eusse été si contente de lui montrer mes enfants et de le recevoir chez moi.

— Vous y arriverez, ma chère enfant… dit doucement Mme Zode en serrant la main de Denise… en attendant, vous allez lui envoyer quelques lignes pour expliquer votre embarras.

— Je n’ose pas, à cause de Paul… Il me l’a défendu et il me semblerait commettre un crime de passer outre sa volonté… Il m’a tant assuré que cela lui