Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II


Dans sa chambre, Denise eut beaucoup de mal pour rester calme. Son cœur était brisé, son amour-propre plus que blessé. Une indignation débordait de son âme pour une telle cruauté et elle était terrifiée de se voir liée pour la vie à un être semblable.

C’était là le père de ses enfants.

Ah ! comme elle eût aimé raconter à son frère ses déceptions et ses chagrins ! Elle se promettait de le faire dès qu’elle aurait un moment de loisir. Il saurait et comprendrait. Elle n’en pouvait plus de se taire. Ce poids devenait trop lourd pour ses épaules.

Denise, entourée de serviteurs, n’était pas libre. Quand elle croyait avoir une femme de chambre dévouée, elle découvrait vite qu’elle était à la solde de Paul et que le moindre de ses gestes était rapporté.

Par surcroît, il y avait dans la demeure, une parente d’une soixantaine d’années. C’était une veuve, ruinée par son mari. Elle était heureuse d’habiter l’hôtel avec son confort, et elle payait en manières doucereuses et faussement obligeantes l’hospitalité que lui consentait son cousin.

Denise ne savait jamais si elle pouvait se fier à elle ou pas. À certains moments, elle croyait à sa bonté réelle, et à d’autres, elle la soupçonnait de la trahir.

Pendant un certain temps, elle s’était même demandé si son mari ne l’avait pas placée près d’elle pour la surveiller, mais elle avait rejeté cette idée en se blâmant de l’avoir eue.

Aussi peu façonnées que fussent les manières d’un homme, pensait-elle, il ne peut s’abaisser à faire épier sa femme.

Elle s’abusait. Mme Zode était payée pour rendre compte à Paul du plus petit fait accompli par sa femme et de ses paroles les plus innocentes qu’elle savait rendre empoisonnées.

Poussant le raffinement de la cruauté jusqu’à l’extrême limite, elle allait jusqu’à se plaindre de