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ÉPREUVES MATERNELLES

Un soulagement lui en était venu et elle remerciait le ciel d’avoir eu enfin pitié d’elle.

Cependant, malgré l’affreux souci de cette santé qui combattait contre le trépas, Denise vivait relativement heureuse. La vue de ses enfants qui ne la quittaient plus, leurs réflexions, leurs jolis sentiments la transportaient d’aise. Elle ne se lassait, ni de les entendre, ni de les contempler, et elle ne cessait d’élever son âme vers Dieu pour le louer de sa bonté.

Avec le docteur Pamadol, elle avait repris le sujet de son séjour chez M. Rougeard.

Elle n’avait pu s’empêcher de sourire au récit pittoresque que lui avait tracé le bon docteur.

— Alors, cette servante énigmatique, c’était vous ? Ah ! si je m’étais douté de cela ! Ma femme était dans une excitation en me racontant sa journée chez son amie ! et, comme j’étais absent, il a fallu qu’elle garde quelques jours au fond de son imagination, ce dramatique déjeuner. Et moi, qui vous croyais paisiblement dans un charmant séjour ! Je puis vous avouer cependant que ce départ subit m’avait surpris parce que vous m’aviez habitué à plus de confiance. Comme vous avez été courageuse de ne pas parler.

— Que j’ai eu de mal ! Quand j’ai entendu que vous étiez en Suisse près de mes enfants, j’étais comme une folle. Je me suis bien retenue pour ne pas questionner Mme Pamadol, mais je craignais tant l’avenir, que je devenais prudente. J’ai bien fait, puisque tout se dénoue sans aucune pression de ma part. Mais, guéri, Paul changera-t-il ?

Denise eut un soupir profond.

— Nous vous aiderons, ma chère enfant, maintenant que nous savons les choses, Rougeard et moi. Vous serez gardée à vue, mais pour votre bien… Votre mari, s’il est orgueilleux, est fort intelligent, et quand il verra que nous sommes des policiers attentifs, il sera moins dur. Votre crime, chère Madame, est de ne pas nous avoir éclairés plus tôt.

— Je ménageais la fierté de Paul. Et puis ne fallait-il pas que je gagne mon bonheur présent ? Je goûte davantage, s’il est possible, la douceur de vivre près de mes enfants après en avoir eu la cruelle privation.