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ÉPREUVES MATERNELLES

virent ainsi. Ce fut avec un nouvel étonnement que l’excellente dame constata cette dernière métamorphose et elle ne put rester muette :

— Vous avez reçu de bonnes nouvelles, Marie ?

— Mais non, Madame.

— Allons, racontez-moi ce qui vous est survenu d’heureux au cours de cette journée. Vous aviez l’air, par moment, d’une personne remplie d’allégresse.

Denise, surprise, regarda sa maîtresse. Elle ne prévoyait pas une semblable question, s’étant acharnée à dissimuler ses impressions.

— Heureuse ?

— Certainement. Vos yeux rayonnaient, vous étiez transfigurée.

— Est-ce vrai ?

— Comment, si c’est vrai ? Vous avez jeté même une exclamation de contentement dans la salle à manger… exclamation inconsciente, sans doute, réflexe de votre état d’âme.

Denise était abasourdie. Elle ne pouvait nier sa joie, mais elle s’imaginait l’avoir si bien voilée, qu’elle ne soupçonnait pas qu’on l’eût remarquée. Mme Rougeard poursuivit :

— Je ne sais si la présence de Mme Pamadol vous a apporté quelque animation imprévue, mais il est un fait, c’est que vous avez changé plusieurs fois d’attitude, pendant qu’elle se trouvait à la maison.

Denise répondit d’une voix hésitante.

— J’étais un peu secouée par la réussite de ce déjeuner, et cela m’égayait de constater son succès.

— Mon Dieu, vos raisons sont acceptables, mais je me figurais, à tort, je le vois par vos réponses, que des choses plus surprenantes vous survenaient.

La jeune femme détourna instinctivement son regard. Elle sentait qu’une lueur irradiait ses prunelles, rien qu’au souvenir du bonheur éprouvé. Il était tellement violent qu’elle ne pouvait l’ensevelir au fond d’elle. Un sourire erra sur ses lèvres, mais elle le réprima, parce que Mme Rougeard lui dit d’un ton un peu sec :

— Il y a des incidents que vous me cachez.

Là, l’excellente dame s’interrompit, espérant une protestation, peut-être même une confidence, mais Denise ne parla pas.

— Vous êtes une servante incomparable, j’ose vous