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ÉPREUVES MATERNELLES

— Vous n’avez plus de parents ? questionna impitoyablement la dame énergique.

— Non, Madame.

— Vous êtes bien jeune encore, cependant ?

— J’ai vingt-six ans.

— Vous avez été mariée ?

Denise ne répondit pas. Cet interrogatoire la suppliciait.

Mme Rougeard en conclut que la jeune femme coupable avait un enfant dont son mari avait la garde. Sans doute avait-elle des jours fixes pour aller le voir et ce dernier dimanche en était un.

Sûre du roman qu’elle imaginait, Mme Rougeard demanda, la voix assourdie :

— La séparation a été contre vous, ma pauvre Marie et vous avez un bébé, j’ai bien deviné, n’est-ce pas ? et ce petit était malade, hier, quand vous êtes allée le voir ?

Ce ton, cette pitié firent déborder le cœur de Denise. Sans rien avouer, un flot de larmes jaillit de ses yeux et elle voila son visage de ses mains.

Mme Rougeard se retira, la laissant seule pour pleurer, se réservant de lui arracher quelques précisions un peu plus tard.

Denise se blâmait d’avoir succombé à l’influence de cette commisération. Maintenant elle allait subir ce mépris compatissant que l’on prodigue aux malheureuses dont on excuse les entraînements.

Mais que lui importait. Il valait encore mieux que l’on crût à ce malheur. Cela permettrait de rester triste quand ses tourments l’envahiraient par trop.

Devant elle, sans aucun doute, on agiterait les problèmes compliqués des droits de la mère, et si une larme perlait à ses paupières, elle seule saurait de quelle valeur elle serait.

Mme Rougeard se montrait satisfaite. Son habileté se couronnait de succès, et elle continua de bâtir un roman qui lui expliqua les silences, les rêveries et les mélancolies de sa domestique.

Elle alla trouver son mari et lui dit :

— C’est bien ce que tu avais déduit… Cette pauvre Marie a été mariée, et je ne sais pour quelles raisons, elle est séparée de son mari… elle a un bébé