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Je me dis : « Voilà mon affaire… » Je monte dans l’omnibus… sans qu’on me remarque parce que je ne savais pas trop si tout ce monde n’attendait pas aussi pour monter et alors je n’aurais plus trouvé de place… et j’attends.

Pendant ce temps-là, les gens continuaient à discuter… je les entendais qui disaient : « Il paraît qu’il a tué sa tante par une nuit de lune et qu’il lui a coupé la mamelle gauche ! » Je me dis : « Ce sont des gens qui se racontent des histoires de brigands. » Tout à coup, grand remue-ménage, on court, on crie : (Sur tous les tons.) « Arrêtez-le ! arrêtez-le ! arrêtez-le ! » — Ah ! ça, fais-je, qu’est-ce qu’il y a donc ? » et je passe ma tête à la portière. Le conducteur de l’omnibus — un homme en uniforme bleu, avec des aiguillettes en laine rouge et un coupe-choux m’aperçoit et s’écrie en me voyant : « Mais non, voyons, il est monté dans le panier à salade !… » J’ai su plus tard que ce conducteur d’omnibus était un soldat de la garde municipale ! Il faut vraiment que Paris regorge de soldats pour aller recruter ses conducteurs d’omnibus dans la garde municipale.

Le calme s’étant rétabli, on se dispose à se mettre en route ! Au moment de partir, moi comme ça se fait, pas vrai, je dis au conducteur : « Vous aurez la complaisance d’arrêter un peu avant le Palais de Justice… pour que je descende ! » et je lui donne six