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ler, pour aller mourir… et l’on dit que c’est bon pour la santé de se lever de bonne heure ! on me dira : « vous pouvez fumer une pipe… » et l’on me conduira à la guillotine, moi si jeune, si intelligent, si beau… Ah ! j’en perdrai la tête.

Mon avocat m’a fait signer un recours en grâce, en me disant : « Vous n’avez plus d’espoir qu’en la Providence (Se reprenant.) qu’en la Présidence ; si vous n’êtes pas condamné à mort, vous serez condamné à vie… » Alors comme j’ai toujours préféré la vie à la mort… — c’est de naissance, — j’ai signé. Mais il paraît que mon cas est monstrueux : « J’aurais assassiné ma tante par une nuit de lune, et après mon crime, je lui aurais coupé la mamelle gauche… » Je vous demande un peu, si j’avais assassiné ma tante, ce que j’aurais pu faire de sa mamelle gauche… Enfin celui de vous, messieurs, qui a assassiné sa tante a-t-il jamais eu l’idée de lui couper la mamelle gauche ?

Eh ! bien, pourtant un homme a fait cela et je suis, moi, victime d’une erreur judiciaire auprès de laquelle le Courrier de Lyon, est une véritable gnognotte.

Depuis bientôt trente ans j’habite Pontarlier, ma ville natale,… c’est ma ville natale, mais je n’y suis pas né… c’est là que j’ai été déclaré… parce qu’à proprement parler c’est pendant une traversée de Folkestone à Boulogne que j’ai été mis au monde… par une