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Mon avocat alors m’a défendu… il a dit que je n’étais pas un si grand criminel puisque je n’avais mangé qu’une seule mamelle quand j’aurais pu en manger deux ! À quoi l’avocat général a répliqué que cela ne prouvait pas que je n’étais pas un grand criminel, que cela prouvait simplement que j’étais un petit estomac… Et v’lan ! on m’a condamné trois fois à mort : primo pour avoir assassiné ma tante ; secundo pour lui avoir coupé la mamelle gauche ; tertio pour l’avoir mangée… Cependant mon avocat m’a assuré que je ne subirais la peine qu’une fois.

Et maintenant mon sort est entre les mains du président de la République !

Oh ! Félix, sauve une victime de la fatalité… songe que tu peux être un jour comme moi condamné à mort pour avoir mangé la mamelle gauche de ta tante. Ne prive pas la société d’un homme si jeune, si intelligent… si beau… grâce, grâce, oh ! Félix ! Félix ! Félix !

Il sort en courant.


Imprimerie Générale de Châtillon-sur-Seine. — A. Pichat.