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reconnaître les gens quand ils sont arrêtés… et v’lan voilà le bonhomme qui me charge.

À la fin, voyant que je niais toujours, le juge me dit : « C’est bien, tant que vous n’aurez pas avoué le crime vous resterez en prison. » Alors n’est-ce pas ? comme il n’y avait pas d’autre moyen j’ai avoué le crime. « Allons donc, s’est écrié le juge, Je le savais bien !… Et maintenant vous allez nous dire ce que vous en avez fait… de la mamelle gauche de votre tante ! »

Alors ma foi, je ne sais ce qui m’a pris, la moutarde m’est montée au nez et je lui ai répondu :

« Je l’ai mangée ! »

C’est cette parole qui m’a perdu ! Désormais il n’y avait plus à y revenir ! J’avais mangé la mamelle gauche de ma tante.

La cour d’assises m’attendait !

Mon avocat, un garçon très gai, me dit : « Mon cher… Inutile de plaider l’innocence, on n’y croirait pas ! je vais plaider les circonstances atténuantes… comme ça, eh ! bien nous pouvons espérer les travaux forcés à perpétuité ! » Comme c’est consolant !

Et j’y ai passé aux assises… il y avait un monde fou… l’avocat général, un bonhomme qui n’y va pas de main morte, a tout simplement requis contre moi la peine de mort… C’est étonnant comme ces gens-là disposent facilement des choses qui ne leur appartiennent pas…