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Reste à filer piteusement !
Vrai, mon argent m’est bien utile
Si je suis pauvre, franchement,
Avec mon beau billet de mille !

Et ce billet m’est un fardeau !
L’avoir et n’en pouvoir rien faire !
J’en voudrais donner un lambeau
A chaque pauvre de la terre.
Tout me tente, ce que je vois !
Tentation bien inutile !
Je suis bien avancé, ma foi,
Avec mon beau billet de mille !

Ici, c’est un joli blondin
Qui contemple, avec convoitise,
L’étalage d’un magasin
Fort tentant pour sa gourmandise,
Moi, je pourrais le contenter :
Un ou deux gâteaux, c’est facile…
Mais je ne puis rien acheter
Avec mon beau billet de mille !

Là, c’est un enfant qui me tend
Un frais bouquet de violette.
Deux sous ça n’est pas cher vraiment,
Pour faire plaisir à Ninette.
Tiens ! je sais fort bien que c’est peu !
Quand on les a, c’est très facile,
Si l’on peut me rendre, parbleu,
Voici mon beau billet de mille.

Puis un fiacre vient à passer
Qui, sur sa route m’éclabousse.
Vite, il faut me faire brosser :
"Eh ! l’Auvergnat à la rescousse ! "
Il vient ; non ! je dois déclarer
Que sa présence est inutile
Je ne puis me faire cirer
Avec mon beau billet de mille !

Enfin mon supplice a sa fin :
Un restaurant ! C’est notre affaire ;
Ninette et moi mourons de faim :