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Depuis ce temps, ô ma houri

Vous me paraissez adorable…

(avec dépit) Eh ! bien voilà qui va fort bien !… et c’est qu’il y en a long… Voyons un peu comment finit le poulet… (Il regarde la fin.)

Je ne veux point de votre argent

Ne me soldez pas ma facture

Mais faisant de moi votre amant

Payez-moi plutôt en nature.

Signé : Christophe Bonnet, tapissier, rue Lafayette, 79." Mes félicitations, ma chère ! si vous recrutez vos conquêtes jusque dans les tapissiers…

Cora, impatientée. — Que voulez-vous, ce n’est pas ma faute…

Roger, sévèrement. — Pourquoi lui avez-vous souri… je vous défends de sourire aux tapissiers.

Cora, impatiente. — Ah ! tenez, je ne sais ce que vous avez, mais depuis une demi-heure vous êtes insupportable !

Roger. — Moi ? Oh ! voyons Cora !

Cora. — Laissez-moi, monsieur… J’ai mes nerfs. (Elle va prendre le volume de Nana puis s’étend sur le canapé et lit - Un moment de silence.)

Roger. — Non ! non ! ça ne peut pas durer… Quel caractère, mon Dieu ! Ah ! je ne la savais pas comme cela ! Enfin, qu’est-ce que je lui ai dit, après tout ? Pourquoi se met-elle en colère ?… Parce que je ne veux pas qu’elle aille souper chez Brébant avec son cousin… Eh bien ! il me semble que c’est bien naturel. Un mari n’aurait plus le droit de faire une observation à sa femme à présent… Oh ! je ne sais pas, mais tout cela ne me présage rien de bon… Est-ce que mes parents auraient raison par hasard ? (haut et d’un air assez aimable) Quel est ce livre que vous lisez avec tant d’attention ?

Cora, sèchement. — Nana !

Roger, bondissant. — Hein !… mais je ne vous permets pas de lire un pareil roman !

Cora. — Comment ? Mais c’est vous-même qui me l’avez apporté !

Roger. — Autrefois… oui… c’est possible… parce que je ne me doutais pas, alors, que plus tard… mais maintenant c’est autre chose… Je confisque le livre. (Il prend le volume et le met dans sa poche.)