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Clarisse. — Misérable !… Ah ! permettez !…

Edgard. — Oui, misérable !… Car enfin, pourquoi vous a-t-il épousée ?… il n’en avait pas le droit ! Vous me revenez, comme je vous reviens !… Je vous aimais avant lui ! c’est un vol… Allons, vite ! Ne perdons pas de temps !… personne ne nous dérange !… mettez votre chapeau et partons !…

Clarisse. — Partir ?…

Edgard. — Puisque je vous dis que je vous enlève !…

Clarisse. — Il ne doute de rien !…

Edgard. — Mais cela se fait toujours comme cela, en Amérique !

Clarisse, riant. — Grand’enfant !… Voyons… ce n’est pas sérieux !

Edgard. — Pas sérieux !… Comment, pas sérieux ?…

Vous refusez ?…

Clarisse, riant. — Cette question ! Je ne veux pas du tout être enlevée !

Edgard, piqué. — Ah ! Clarisse ! Je ne vous reconnais pas là !… Ce n’est pas gentil !… voyons !… Vous me devez bien cette faible compensation. J’arrive d’Amérique tout exprès pour cela !… vous ne pouvez pas vouloir que j’aie fait le voyage pour rien !

Clarisse. — Je le regrette, en effet… mais vous arrivez mal. Heureusement trop tard…

Edgard. — Trop tard ?… Comment trop tard…

Clarisse. — Mais parce que j’aime mon mari !

Edgard. — Votre mari ! allons donc ! Comme si c’était possible… Les femmes disent toujours cela !… C’est la phrase consacrée… mais je sais bien que vous ne pouvez pas l’aimer !

Clarisse. — Vous le connaissez ?

Edgard. — Moi ?… pas du tout !… mais je le vois d’ici : un bon bourgeois, bien maniaque, qui porte pantoufles et fume la pipe !

Clarisse. — Mais pas le moins du monde !

Edgard. — Un de ces hommes qui ne se marient que pour faire une fin !… Laid, usé par les orgies, incapable de faire le bonheur d’une femme !…

Clarisse. — Ah ! assez !

Edgard, continuant. — Tandis que moi !… Je suis beau, je suis jeune, je suis ardent, moi !… Je vous rendrai heureuse, moi ! il n’y a pas à nous comparer ! Enfin, je ne vous demande que d’essayer de moi, Clarisse !…