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Follentin. — Maintenant, Monsieur, si pour faciliter l’affaire, il vous convenait de prendre les candélabres avec… (Il indique les candélabres affreusement modernes.)

Le Collectionneur (à Ebrahim, vivement). — Non.

Follentin. — Comme vous voudrez !

Il s’éloigne par discrétion.

Ebrahim. — Est-elle bien bure ?… On en a fait tant de Louis XV, sous Louis-Philippe.

Follentin. — Mais, Monsieur, puisque je vous dis qu’elle me vient de Barras !

Ebrahim. — Oui !… Enfin !

Follentin va discuter bas avec sa femme et Marthe.

Le Collectionneur (bas). — C’est une merveille ! Offrez cinquante mille francs !

Ebrahim (bas). — Taisez-vous !… J’ai l’hapitude. Tenez ! Foulez-vous que je vous dise ! Allez donc vous en !

Le Collectionneur. — Moi ?

Ebrahim. — Oui ! Prenez un petit air indifférent, et pour le reste, rabbortez-vous en à moi.

Le Collectionneur. — Bien ! (À Follentin.) Eh bien ! voilà, Monsieur, j’ai vu… merci… Ne vous dérangez pas !

Follentin. — Eh !… bien, il s’en va ?

Ebrahim (ouvrant de grands bras). — C’est glagué !

Follentin. — Comment, claqué. Il ne veut pas de la pendule ?

Madame Follentin. — Qu’est-ce qu’il lui reproche ?

Marthe. — Elle est pourtant bien belle !

Ebrahim. — Elle est bien pelle, elle est bien pelle ! et elle n’est pas bien pelle ! Entre nous, ce qui enlève un peu de sa valeur…

Marthe. — C’est qu’elle est à vendre !

Ebrahim. — Oh ! Matemoiselle !

Madame Follentin (La rappelant à l’ordre). — Marthe !

Follentin. — Mais alors, qu’est-ce que nous allons faire ? Qu’est-ce que nous allons faire ?

Ebrahim. — Égoutez ! Vous me faites de la peine ! Qu’est-ce que vous en foulez, de votre pendule ?

Follentin. — Je ne sais pas… la pendule de Barras ! Je l’ai fait voir à un connaisseur. Il l’a estimée à 25 000 francs.

Ebrahim.25 000 francs ! Écoutez, je suis un homme très rond en affaires ! Je crois qu’en vous payant cette bendule… qui est pien, mais qui n’est pas pien, pien, euh !… 1 800 francs

Follentin.1 800 francs ! La pendule de Barras ! Vous êtes fou.

Ebrahim. — Ne vous emballez pas !

Follentin. — Mais j’aimerais mieux laisser crever toute ma famille de faim que de vous la céder à ce prix-là !

Madame Follentin et Marthe. — Absolument !

Ebrahim. — Ah ! Vous êtes bon comme tous les autres. Dès qu’ils ont un pipelot te rien du tout, ils croient tout de suite qu’ils ont l’Opélisque ! Eh bien ! écoutez. Je vais faire une grande folie ! Il n’y a pas, vous me plaisez ; aussi, je vais vous offrir… 2 000 francs tout ronds !

Follentin. — Deux mille francs !