Gabriel, courant au lit dont il ouvre les rideaux. — Monsieur Follentin.
Follentin. — Ah ! Gabriel, mon bon ange ! Sauvez-moi ! Sauvez-moi encore !
Gabriel. — Qu’est-ce que vous avez ?
Madame Follentin. — Adolphe !
Marthe. — Papa !
Madame Follentin. — Réveille-toi, tu as le cauchemar.
Follentin. — Non ! non ! enlevez la pendule ! enlevez la pendule !
Gabriel. — C’est justement pour ça que je viens.
Follentin. — Qu’est ce que vous dites ?
Gabriel. — La pendule ! la pendule de Barras ! Ça y est ! Je l’ai vendue !
Follentin, Marthe et Madame Follentin. — C’est-il possible !
Follentin. — Hein ! mais je ne veux pas ! 25 000 ! pas un sou de moins.
Gabriel. — J’ai mieux !
Tous. — Hein ? Combien ?
Gabriel. — Douze cent mille francs !
Follentin, étouffant d’émotion. — Douze ! Douze !
Gabriel. — Voici le chèque que je vous apporte.
Madame Follentin. — Ah ! mon ami !
Marthe. — Mon cher Gabriel !
Follentin. — Mais comment avez-vous fait ?
Gabriel. — Oh ! c’est bien simple ! Une note dans les journaux annonçant que vous aviez refusé un million de votre pendule. Immédiatement j’ai trouvé un Américain qui m’en a offert douze cent mille.
Follentin. — Ah ! mon enfant ! mon gendre !
Tous les Trois (à part avec joie). — Son gendre !
Follentin. — Ah ! je l’ai toujours beaucoup aimé, ce garçon-là !
Madame Follentin. — Qu’est-ce que c’est ?
Marthe. — M. Ebrahim.
Follentin, à Ebrahim qui paraît. — Ah ! trop tard, monsieur Ebrahim, c’est vendu !
Ebrahim. — Ah ! combien ?
Follentin. — Douze cent mille francs !
Ebrahim. — Tartoufle ! pourquoi ne me l’avez-vous pas dit ? Je vous l’aurais achetée !
Marthe, qui a été pour fermer la porte, trouve Bienencourt sur le seuil. — Ah ! Monsieur Bienencourt !
Follentin. — Bienencourt !
Bienencourt. — Tiens ! mon ami, tu m’as traité d’usurpateur, voici ma lettre de démission !… Je te cède ma place.
Follentin. — Toi ! toi ! tu as fait ça ! Tiens ! voilà ce que j’en fais de ta lettre de démission. (Il la déchire.) Ah ! mes amis ! mes amis ! Je suis bien heureux. Quand je pense que je m’échinais à chercher le bonheur à travers les siècles !… Pendant que, ce temps-là, il m’attendait chez moi.
Madame Follentin. — Oui, mon ami, le véritable bonheur, c’est celui qu’on se fait soi-même.
Follentin. — Tu as raison, Caroline. Il est entre nos mains, l’Âge d’Or !