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La Collégienne. — Alors, moi j’ai devancé l’appel pour en être débarrassée plus tôt et je suis sergent d’infanterie.

Follentin. — De cinq à sept ?

La Collégienne. — Mais oui, comme tout le monde !… c’est le service obligatoire… tous les jours de cinq à sept, pendant six mois.

Follentin. — Allons donc !

La Collégienne. — De cinq à sept ! mais à partir de 7 heures, je suis libre ! Si vous voulez, je vous emmène dîner au bar de la plateforme de l’Arc de Triomphe.

Follentin. — Hein !

La Collégienne. — Il est très bien ! Il est très bien !… Et il y a une vue superbe.

Follentin. — Voilà ce qu’on fait des monuments commémoratifs, aujourd’hui !

La Collégienne. — Après ça, si vous voulez, nous irons finir la soirée aux Folies-Saint-Augustin.

Follentin. — Où ça, les Folies-Saint-Augustin ?

La Collégienne. — Mais là ! Il y a un grand duc qui fait de la voltige. Cela fait courir tout Paris…

Follentin. — Mais alors… ce n’est donc plus une église ?

La Collégienne. — Saint-Augustin ? mais non ! c’est un music-hall. Ah, çà ! d’où sortez-vous ? Il y a un siècle que c’est comme ça depuis la séparation de l’Église et de l’État !… Si vous voulez je louerai la chaire d’avant-scène ; c’est de là qu’on voit le mieux.

Follentin. — Mais non ! mais, non ! Vous êtes bien gentille, mais sérieusement !…

La Collégienne. — Vous tenez donc bien à votre vertu ?

Follentin. — Ce n’est pas à la mienne que je tiens !…

Un Aimable Marchand de Fleurs, s’avançant. — Un bouquet pour votre beau monsieur, princesse ?

La Collégienne. — Ah ! des fleurs ! Voulez-vous des fleurs ?

Follentin. — Mais non ! mais non ! Laissez-nous donc, vous !

Le Marchand de Fleurs. — Ma belle dame, ayez pitié d’un pauvre archimillionnaire !

La Collégienne. — Non ! vous êtes millionnaire… Oh ! mon pauvre homme !

Follentin. — Je ne comprends pas ! Il me semble que si vous êtes archimillionnaire !…

La Collégienne. — Justement ! C’est une victime de l’impôt sur le revenu.

Le Marchand. — Ah ! c’est dur, Monsieur, allez !


1

Jadis j’étais riche,
Je menais grand train,
Quand, va te faire fiche,
Le peupl’ souverain,
S’dit un jour : « En somme,
Je n’vois pas pourquoi,
Y en a qu’ont la somme,
Et qu’ce n’s’rait pas moi ! »
Dès lors vaill’ que vaille,
Il chercha comment.