Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 9, 1948.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Madame de Châteauroux. — Ah ! le mouchoir ! le mouchoir !

Madame de Boufflers. — Ah ! C’est moi qui l’ai !

Follentin. — Elle m’a fait mon mouchoir !

Madame de Boufflers. — Si vous voulez le ravoir, cela coûtera un baiser.

Follentin. — Mais deux, madame ! Deux !

Louis XV. — Vous ne vous ennuyez pas ! La marquise de Boufflers !

Follentin. — Oh ! pendant que j’y suis ! (Il l’embrasse) Ah ! c’est exquis !

Dans sa joie, il fait jouer le ressort de son chapeau claque qui détonne bruyamment.

Les Dames poussant un cri. — Ah !

Louis XV sursautant également. — Qu’est-ce que c’est que ça ?

Follentin. — Quoi Sire ?

Louis XV. — Cet engin ?

Follentin. — Ça !… c’est mon chapeau.

Madame de Châteauroux. — Vous nous avez fait une peur !

Madame de Boufflers. — J’en ai des palpitations.

Louis XV. — Qu’est-ce qu’il a, votre chapeau ? Il est à pétards ?

Follentin. — À claque, Sire, à claque tout simplement.

Madame de Châteauroux. — Ah ! Chevalier, je vous en veux pour la peur que vous venez de me faire.

Follentin. — Vous m’en voulez, Madame ?

Louis XV. — Bah ! Embrassez donc la duchesse de Châteauroux et tout sera pardonné.

Follentin. — Mais… comment donc !

Madame de Boufflers. — Eh ! bien, mais… et moi aussi j’ai eu peur !

Louis XV. — Ah ! marquise ! Vous avez déjà eu votre compte.

Follentin. — Ça ne fait rien ! (Il l’embrasse.)

Les Dames. — Eh bien ! et nous ?

Louis XV. — Allez ! la duchesse de Chevreuse ! La marquise de Mirepoix ! Madame de Bouffémont ! Toutes ces dames, enfin !

Follentin. — Voilà, mesdames, voilà ! et allez donc, c’est pas mon père ! (Tapant sur son talon noir.) Suis-je assez talon rouge ?

Les Dames. — Il m’a embrassée ! Il m’a embrassée !…

Louis XV. — Vous voyez, Chevalier, que vous n’aurez pas le temps de vous ennuyer sous notre règne.

Follentin. — Ah ! je vous crois ! Sire, quel siècle ! Celui de la galanterie, du libertinage, de l’amour !

Louis XV. — J’espère que vous avez assez de jolies femmes comme ça !

Follentin. — Il y en aurait une de plus que cela ne serait pas pour me faire peur !

À ce moment, on entend un craquement dans l’arbre praticable. Une branche sur laquelle est une jeune paysanne à cheval se brise et la petite roule à terre.

Tous. — Ah !

Louis XV. — Eh bien ! vous êtes servi !

Follentin. — C’est le ciel qui l’envoie !