Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

Madame Paginet, à Plumarel. — Ah ! ça fait plaisir de le voir heureux comme ça ! (Ouvrant la lettre que lui a remis Joseph.) Qui est-ce qui peut m’écrire ?… C’est de votre oncle !

Plumarel. — Ah ! C’est pour vous apprendre la nomination.

Madame Paginet. — Pourquoi m’écrit-il, à moi ? (Lisant.) "Madame, j’aurais été heureux de pouvoir décorer monsieur votre mari." Hein ? "l’inconséquence inexplicable qu’il a commise en présidant un banquet réactionnaire au lac Saint-Fargeau me rend aujourd’hui la chose impossible." (Parlé.) Quoi ?

Plumarel. — Qu’est-ce qu’il dit ?

Madame Paginet, lisant. — "Mais heureusement j’ai trouvé une compensation qui réunira tous les suffrages. Vous, madame, vous avez su prendre l’initiative d’une œuvre admirable. Votre nom arrive en première ligne au livre d’or de la charité, nous croyons donc nous faire l’interprète des sentiments de tous, en nommant madame Paginet, chevalier de la Légion d’Honneur !" Chevalier !… moi !… et pas lui !… Ah ! (Elle tombe sur le canapé.)

Plumarel. — Voyons, du calme !

Madame Paginet. — Ah ! mon Dieu !… mais s’il apprend ça, brusquement, il va en avoir un coup de sang !

Plumarel. — Eh bien ! vous le lui direz, vous le préparerez !

Madame Paginet. — Mais s’il va au ministère, il apprendra tout ! Vite, Plumarel ! courez ! rattrapez-le ! Empêchez-le de voir le ministre !

Plumarel, sortant par le fond. — J’y cours !

Simone, paraissant au balcon pendant que les autres agitent leurs mouchoirs. — Tenez, les voilà qui sortent.

Madame Paginet. — Ah ! mon Dieu ! Le malheureux ! (Courant au balcon et appelant.) Paginet ! Paginet !

Voix, dans la coulisse. — Vive monsieur Paginet !

Madame Paginet, pendant que la fanfare éclate dans la coulisse et que le bruit redouble. Ah ! à la grâce de Dieu !

RIDEAU