Dardillon. — Eh ! bien, qu’est-ce que vous dites de mon moyen pour m’introduire ici ?
Simone. — Le malade ! C’est ingénieux.
Dardillon. — Oui, je n’ai pas encore de maladie, mais le docteur la trouvera ! Maintenant, parlez. Qu’est-ce qui arrive ?
Simone. — Eh bien ! voilà, nous n’avons pas de temps à perdre !… Mon oncle veut me marier !
Dardillon. — À qui ?
Simone. — À M. Plumarel, le neveu du ministre qui est en train de le faire décorer.
Dardillon. — Il fera cela ?
Simone. — Et en échange, mon oncle lui promet ma main.
Dardillon. — Mais votre tante s’opposera ?
Simone. — Ma tante ?… Elle en raffole aussi de son Plumarel. Il la couvre de fleurs toute la journée. Au propre comme au figuré !…
Dardillon. — Mais, alors, qu’allons-nous faire ?
Simone. — Mais lutter ! Pour le moment, l’important c’est que vous soyez dans la place. Je vais vous faire prendre par mon oncle à son service.
Dardillon, se récriant. — Vous voulez que je sois domestique ?
Simone. — Non ! Mais mon oncle, pour son laboratoire, cherche un nouveau préparateur. Eh bien ! Vous serez ce préparateur.
Dardillon. — Moi ! Mais je ferai tout sauter.
Simone. — Vous n’aurez qu’à être prudent !… la première fois que vous aurez une manipulation à faire, vous demanderez à mon oncle : "Y a-t-il un danger que ça saute ?" S’il vous dit non, vous irez de l’avant, il n’y aura rien à craindre.
Dardillon. — Oui !… et qui sait si, en allant comme ça à l’aveuglette, je ne ferai pas une superbe découverte ?
Simone. — Dame ! ça s’est vu !
Dardillon. — Oui, mais comment voulez-vous que votre oncle me prenne ? Il me demandera mes références, mes états de service.
Simone. — Je serai là. moi !… Et puis, si vous savez prendre mon oncle !… Pour votre gouverne, il n’est pas insensible à la flatterie. Parlez-lui de ses travaux, de ses manipulations magnétiques et surtout de sa fameuse thèse : "La négation du microbe".
Dardillon. — Ah ! il ne croit pas aux microbes ?
Simone. — Non, mon oncle est ce qu’on appelle un antimicrobien ! (Voix de Paginet à droite.) Je l’entends !… je vous laisse. J’entrerai quand il faudra.
Scène V
Dardillon, Paginet
Dardillon. — Alors, me voilà préparateur, moi ! Après tout, tous les préparateurs, avant d’être préparateurs n’étaient pas préparateurs… Il y a commencement pour tout. (Apercevant Paginet qui entre de droite.) Oh ! le voilà !
Paginet. Oh ! pardon, monsieur, on ne m’avait pas dit que vous étiez là !… À qui ai-je l’honneur ?
Dardillon. — Dardillon,… Ernest Dardillon.
Paginet. — Mes compliments, monsieur. Et que désirez-vous ?
Dardillon. — Ce que je désire ? mais c’est être l’humble serviteur d’une