Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

Arnold. — Mais c’est un crime, de cacher ça !… Si j’en avais de comme ça, je les montrerais à tout le monde.

La Duchesse, qui est allée poser sa robe et son corsage sur le fauteuil près de la cheminée. — Ca leur enlèverait leur valeur. Allons ; va chercher le peignoir à la dame.

Arnold. — C’est ça, attends-moi, je ne serai pas long… (Il gagne la droite, fausse sortie…) Dis donc ! Tu peux t’asseoir sur le fauteuil maintenant.

La Duchesse, près de la cheminée. — Tu es bien bon ! (Arnold sort à droite en laissant la porte ouverte.) C’est gentil ici. Je n’avais pas fait attention d’abord. (Haut.) Dis donc, tu es joliment meublé, tu sais ?…

Elle retire son chapeau, qu’elle dépose sur la cheminée.

Voix d’Arnold. — Tu trouves ?

La Duchesse, avisant la photographie des mariés sur la cheminée. Ah ! qu’est-ce que c’est que ces mariés en photographie ?

Voix d’Arnold. — Quels mariés ?

La Duchesse. — Là, sur la cheminée.

Voix d’Arnold. — Ah ! bien justement, c’est…

La Duchesse. — Ton frère et sa conjointe ?…

Voix d’Arnold. — C’est ça !… voilà

La Duchesse, qui gagne lentement la table de droite tout en tenant la photographie à la main. — Quelle drôle d’idée de se faire photographier comme ça, en queue de pie et en fleurs d’orangers. Il n’y a plus que les larbins qui font ça.

Arnold, revenant, il a ôté son habit et passé un veston d’appartement, il tient à la main un peignoir de femme. — Qu’est-ce que tu veux ?… Mon… mon frère est vieux jeu. Tiens, voilà le peignoir.

La Duchesse, distraitement, sans quitter des yeux la photographie pour enfiler le peignoir qu’Arnold lui présente. — Merci.

Arnold. — J’en ai profité pour me mettre à l’aise, moi aussi.

La Duchesse. — Mais dis donc, c’est pas possible, je le connais, ton frère !

Arnold, inquiet. — Tu le connais ?

La Duchesse, debout. — Mais oui, c’est Stanislas !… Je te crois que je le connais !… Il y a quatre ans, on a… on a été à soi.

Arnold. — A soi !

La Duchesse. — On s’a eu, quoi ?

Arnold. — Vous deux ?

La Duchesse. — Si je le connais ! Ah ! oui !… c’est un joli coco !… Il m’a posé un de ces lapins !… (Arnold rit.) Oh ! tu peux rire !… N’empêche que je lui ai gardé longtemps un chien de ma chienne… (Gentiment.) Ah ! le cochon !… (Poétique elle met le genou sur la chaise). Ah ! c’est loin, tout ça !

Arnold, même jeu. — Tout passe ! (Changeant de ton, et lui passant les bras autour de la taille.) Mimi, chérie Mimi ! (Voyant la Duchesse qui se frappe le creux de l’estomac avec le bout de ses doigts réunis.) Qu’est-ce qu’il y a ?

La Duchesse. — J’ai faim !

Arnold. — Elle a faim ! tu as faim ! elle a faim ! Pauvre petite !

La Duchesse. — Follement. Tu n’as rien à manger ?

Arnold. — Attends, je crois qu’à la cuisine, il y a un demi-poulet et un restant de salade de pommes de terre.