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La Duchesse. — Ah ! non, non, non !… On n’a pas idée ! Quand il y a tant de fiacres dans Paris, aller juste choisir le seul dont le cheval devait s’abattre et nous laisser en plan au milieu des Champs-Elysées par une pluie battante !…

Arnold, qui a accroché la chaîne de sûreté pendant ce qui précède, descendant en scène. — Est-ce que je pouvais savoir ?

La Duchesse. — Eh bien ! on devine !

Arnold. — Allons, du calme, voyons.

La Duchesse. — Ah ! du calme ; oui, je voudrais vous y voir !

Arnold. — Mais j’y suis ! Est-ce que je n’ai pas comme vous… (Voyant la Duchesse qui fait le geste de s’asseoir sur un des fauteuils.) Oh ! prenez garde !

La Duchesse. — Quoi ?

Arnold. — Vous êtes trempée !

La Duchesse. — Ah ! la belle affaire ! maintenant que la robe est perdue !

Arnold. — Ce n’est pas pour la robe, c’est pour le mobilier.

La Duchesse, allant à lui. — Ah ! bien, le mobilier, vous savez…

Arnold. — Oui, mais pas moi.

La Duchesse. — Tenez, regardez donc plutôt votre parapluie qui inonde le tapis.

Arnold. — Ah ! c’est vrai ! Ce qu’il rigole !

La Duchesse, amère. — Il choisit bien son moment.

Arnold. — Qu’est-ce que vous voulez ?… Il ne sait pas.

Il va ranger le parapluie contre la cheminée.

La Duchesse. — Ah ! c’est très drôle !

Arnold, redescendant. — Mon Dieu, c’est drôle, et ce n’est pas drôle.

La Duchesse. — Ah ! et puis, c’est sinistre ici ! éteignez donc votre allumette.

Elle souffle elle-même dessus et l’éteint.

Arnold. — Oui !

Il souffle machinalement sur l’allumette éteinte.

La Duchesse. — Et tirez les rideaux, il doit faire clair à cette heure-ci.

Arnold, conciliant. — Tout ce que vous voudrez. (Il tire les rideaux.) Mon Dieu, déjà le jour ! Comme il est matinal.

La Duchesse. — Parbleu ! il ne passe pas ses nuits dehors, lui !

Arnold. — Il ne sait pas ce qu’il perd.

La Duchesse. — Ah bien ! si je l’avais imité !

La Duchesse va pour se laisser tomber sur le fauteuil.

Arnold, prévenant le mouvement. — Hep !

La Duchesse. — Quoi ?

Arnold.. — Ne vous asseyez pas !

La Duchesse, retroussant rageusement ses jupes qu’elle rejette sur le dossier du fauteuil. — Ah ! mais vous m’ennuyez avec votre fauteuil !

Arnold, au-dessus de son fauteuil et la secouant légèrement par les deux épaules. — Allons, voyons ! Mimi !… Chérie Mimi ! (Il fait le tour du fauteuil à croupeton et va se mettre à genoux devant elle.) Qui est-ce qui va être bien gentille avec son petit Nonold ?