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Paginet. — Ah, bien ! je suis bien aise de le savoir.

Madame Paginet. — Je crois qu’il faudrait lui faire donner dix francs.

Paginet. — Dix francs ! Ça ne vaut rien, ces gâteaux-là ! Ça a de l’œil, mais ce n’est pas mangeable ! Tu lui fera donner quarante sous (À Joseph.) Allons ! Servez les pommes de terre.

Joseph sert madame Paginet. Paginet regarde sa femme se servir.

Paginet. — Pourquoi sont-elles marron comme ça ?

Joseph. — La cuisinière m’a chargé de dire à monsieur qu’elles avaient reçu un petit coup de feu.

Paginet. — Encore !… C’est insupportable !

Joseph. — Ce n’est pas de sa faute, monsieur. Elle a été si heureuse !…

Paginet. — Ah ! mais vous savez, vous commencez à m’ennuyer ; eh ! bien, oui ! vous êtes heureux… c’est entendu ! nous sommes tous heureux !… Mais, sapristi ! Ce n’est pas une raison pour faire de la ratatouille.

Joseph sort.

Madame Paginet. — Voyons, Loulou !… Calme-toi

Paginet. — C’est vrai ! Avec leur bonheur !

Madame Paginet. — Eh ! bien, tu n’es donc pas heureux, toi ?

Paginet. — Comment, je ne suis pas heureux ?… Mais je déborde, seulement, je n’en fais pas souffrir les autres ! Je n’ai rien mangé avec tout ça, moi ! Je n’ai rien mangé !

Scène VII

Les Mêmes, Livergin

Joseph, entrant et annonçant. — Monsieur Livergin !

Livergin, entrant. — Bonjour ! Ça va bien ?

Tous.- Ah ! Monsieur Livergin.

Paginet. — Tu viens prendre le café avec nous ?

Livergin. — Volontiers !

Paginet. — Joseph apportez le café !

Joseph, sortant. — Bien, monsieur !

Paginet. — Et qu’est-ce qui t’amène ?

Livergin. — Mais mon cher, je voulais te serrer la main et voir comment tu as supporté le coup d’hier.

Paginet. — Mais ! il n’y a pas de coup ! Tu vois, nous sommes en fête !… regarde ces fleurs ! regarde ce gâteau !… et cette croix, c’est mon cadeau, à moi !…

Madame Paginet. — Vous voyez comme on m’a gâtée !…

Paginet. — Et tu appelles ça un coup !… mais c’est un coup de bonheur !

Livergin. — Tous mes compliments, mon cher !… J’aime à te voir dans ces sentiments.

Paginet. — Mais dame !

Madame Paginet, à Livergin. — Eh bien ! et vous, Monsieur Livergin ! Où en êtes-vous pour votre décoration ?

Livergin. — Oh ! mon Dieu ! suivant le conseil de Paginet, j’ai écrit à un de mes amis qui est au ministère de m’envoyer, dans le cas où je serais sur les listes, une dépêche, mais ma foi, je n’ai pas grand espoir.