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Serge, l’air très défait. — Oui, c’est moi ! c’est bien, asseyez-vous. Madame… ? Madame est là ?

Philomèle. — Hein ?… Monsieur… ?

Serge. — Madame ?

Philomèle, troublée. — Mais je crois qu’elle est sortie ?… n’est-ce pas Isidore ?

Isidore. — Oui… oui, je crois.

John. — Non, non… Philomèle se trompe ; Madame est encore couchée, j’en suis à peu près sûr.

Philomèle, regardant John. — Ah ! ah ! c’est… c’est possible…

Serge. — C’est bien… (Il va jusqu’à la porte et essaie d’ouvrir. La porte fermée à double tour, résiste.) Paulette !… Paulette, ouvre-moi…

Voix de Paulette. — Qui est là ?

Serge. — C’est moi, Serge.

Voix de Paulette. — Hein ! toi !…

On entend un branle-bas sourd dans la chambre. John envoie une tape d’intelligence à Philomèle et Isidore. Serge est toujours à la porte, attendant qu’on ouvre.

Serge. — Eh ! bien, voyons, ouvre ! qu’est-ce que tu attends ?

Voix de Paulette. — Hein ! ah ! oui, c’est toi ?… C’est dans le sommeil,… tu m’as réveillée, alors…

Serge. — Bon ! eh ! ben, ouvre !

Voix de Paulette. — C’est… c’est fermé par là,… fais le tour par le salon.

Serge. — Ah ! bon…

Il remonte et sort.

Philomèle, à John. — Ah ! tu as été rosse !

Isidore. — Si tu crois que c’est chic, ce que tu as fait là !

John. — C’est ma revanche ; la guerre des castes.

A ce moment, la porte de la chambre s’ouvre ; Paulette passe la tête, puis pousse dehors Snobinet en chemise de nuit, jambes nues, les pieds dans les pantoufles.

Paulette. — Va ! et ne bouge pas !

Elle referme la porte vivement à double tour. Un grand temps de gêne générale. Snobinet, tout décontenancé par sa tenue, reste sur place sans oser bouger. Philomèle et Isidore enfoncent le nez dans leur travail de nettoyage d’argenterie, sans avoir l’air d’avoir remarqué ce qui s’est passé. Seul John a un sourire gouailleur et triomphant. Il regarde la scène qui se passe sous ses yeux d’un air malin, puis, satisfait, pivote sur les talons et, les mains dans les poches, s’en va en sifflotant.

Scène V

Philomèle, Isidore, Snobinet et dans la chambre Serge et Paulette

Snobinet, après un temps, à part. — Oh ! que j’aime peu ces situations-là !