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Gabrielle. — Et dire que vous alliez lui chercher des robes !

Le Brison. — Oui.

Gabrielle. — Avec lesquelles elle affole ce garçon.

Le Brison. — Oui, suis-je assez bête !

Gabrielle. — Ah ! oui, vous êtes bête ! Ah ! oui, vous êtes bête ! Cocu !

Le Brison. — En cartes, chère amie.

Chatel-Tarraut. — Quel drame ! ça me rajeunit de vingt ans.

Madame Grosbois. — Et quand je pense que cette petite n’a pas de toilettes, de chapeaux. Comment peut-elle lutter, monsieur ?

Gabrielle. — Oh ! mais maintenant, c’est fini. J’en aurai des toilettes ! j’en aurai des chapeaux ! et plus énormes que ceux de Phèdre.

Madame Grosbois. — A la bonne heure !

Le Brison. — Oui, vous en aurez. Cette robe, d’abord, et ce chapeau. Plus souvent que ce sera pour elle !

Madame Grosbois. — Tu entends ce que dit M. le Brison, il te les donne !

Gabrielle. — Eh ! bien, c’est bien ! je les accepte ! (Tirant la robe du carton.) Ah ! tu fais fi de moi parce que je ne suis pas aussi bien nippée que ta donzelle !

Le Brison, corrigeant. — "Ma" donzelle. Le misérable !

Gabrielle, se déshabillant. — Eh bien ! tu verras !

Madame Grosbois. — A la bonne heure !

Chatel-Tarraut. — Hein ! Elle se déshabille !

Gabrielle. — Tu verras mon luxe ! Tu verras mes bijoux !… ça ne sera pas du toc comme ça !… voilà ce qu’il me donne, à moi.

Le Brison. — Hein ! mais c’est ma bague ! la bague de Phèdre !

Gabrielle. — La bague de Phèdre ! c’était un diamant vrai ? Le saligaud ! Eh, bien ! elle est à moi !

Le Brison. — Oui, je vous la donne.

Gabrielle. — Merci, c’est déjà fait.

Le Brisson. — Et je vous en donnerai beaucoup d’autres comme ça.

Gabrielle. — Certainement ! je serai une cocotte chic, puisque c’est ça que veulent les hommes !

Madame Grosbois. — Voilà la vraie vie !

Gabrielle. — Oui ! Passe-moi la jupe. Et je serai une grue, puisque c’est ça qu’ils veulent ! La dernière des grues, je ferai comme toi !

Madame Grosbois. — Ah ! pardon !

Le Brison. — Et ce luxe, vous l’aurez par moi. Ce sera l’amour !

Gabrielle. — Oui, ce sera l’amour ! Je vous aimerai !

Le Brison. — Ah ! elle vous a pris votre mari, eh, bien ! vous lui prenez son amant.

Gabrielle. — C’est ça ! c’est ça !

Le Brison. — Nous verrons laquelle sera la mieux partagée.

Gabrielle. — Oh ! c’est elle !

Le Brison. — Ca dépend du point de vue auquel on se place.

Gabrielle. — Oh ! le point de vue, c’est ça qui m’est égal ! ce n’est pas le moment de choisir, c’est le moment de se venger.

Chatel-Tarraut. — Ecoutez, mes amis.

Gabrielle. — Vous, fichez-nous la paix !

Chatel-Tarraut. — Bon !

Le Brison. — Et pour commencer, ils ne nous trouveront plus ici.

Gabrielle. — C’est ça !