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Etienne, à Jourdain. — T’entends ça ?…

Gabrielle. — Je n’en dors plus !… Tous ces virages !… La fourche de Kergor surtout !… On devrait interdire des virages comme ça !

Etienne. — Si c’est pas malheureux !… Mais c’est là-dessus qu’on table !

Jourdain. — On prend la fourche les yeux fermés.

Etienne. — Une trombe dans un angle aigu.

Jourdain. — Comme ça !… V’la le bolide qui vient à droite. Z Z Z…

Etienne. — V’la le bolide qui repart à gauche… Z Z Z…

Gabrielle. — Et patapoum !… poum !… pang !… vous flanquez tout en l’air !…

Etienne. — Ah ! ne dis pas ça !… Ça fiche la cerise !…

Le Brison. — Mais oui, voyons, ça ira très bien.

Gabrielle. — Enfin, je me suis occupée de toi… (Elle cherche dans son porte-monnaie.) Une croix de Saint-André que je t’ai fait bénir par le curé. (La lui remettant.) Tu l’attacheras demain autour du cou.

Etienne. — Jamais !… Pas de ces blagues-là !

Gabrielle. — Oh ! le gosse !

Etienne. — Autour du cou !… Comme un séminariste !…

Gabrielle. — Je suis sûre que ça te portera bonheur. N’est-ce pas, monsieur Le Brison ?

Le Brison. — Si ça ne peut pas faire de bien, ça ne peut pas faire de mal.

Etienne. — Oui, enfin… c’est bien pour toi.

Gabrielle. — Merci. (A Jourdain.) Oui… ça vous fait rire !

Jourdain. — Ah !… oui, alors !… Je suis franc-maçon.

Etienne. — T’es franc-maçon ?

Jourdain. — Depuis dix ans. Tout de même, si des fois d’ici demain, puisque vous dites que ça porte bonheur… vous pouviez m’en faire bénir une pareille par le curé… eh ben !… mon Dieu, je ne serais pas opposé, histoire de voir.

Gabrielle. — Eh bien ! pour un franc-maçon !…

Jourdain. — Je suis franc-maçon, mais je me réserve le droit d’être libre-penseur. Allons, frangin, viens turbiner !

Gabrielle. — Ah ! non !… pas comme ça, change de chemise avant, celle-ci est en eau.

Etienne. — Quel petit tyran !

Jourdain. — A bientôt, patron.

Ils sortent.

Le Brison. — Oui. Quant à nous !… Eh ! bien, et votre tante ?… Il lui en faut un temps pour passer un cache-poussière !… C’est admirable ! c’est votre tante qui nous fait attendre.

Gabrielle, qui est allée à la porte par où est sortie madame Grosbois. — Ma tante !

Madame Grosbois, qui descend justement. — Eh ! bien, est-ce qu’on part ?

Le Brison. — Comment, "est-ce qu’on part ! " Mais nous n’attendons que vous !

Madame Grosbois. — Ah ! je vous demande pardon ! J’ai pensé que pour être par devant, j’aurais peut-être beaucoup d’air, alors j’ai profité de ce que j’étais là-haut pour mettre une petite robe plus chaude.

Le Brison. — Enfin, vous y êtes maintenant ?

Madame Grosbois. — J’y suis.

Le Valet de pied. — Monsieur de Chatel-Tarraut.

Chatel-Tarraut,