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Le Brison. — Au sujet du circuit, parbleu ! Je veux m’installer pour un mois à Ker-Kerzoec afin d’étudier le parcours. Alors, je désirais savoir si l’hôtel est bon ou s’il vaut mieux louer une villa.

Amaury. — Il n’y a pas d’hôtel et il n’y a pas de villas.

Le Brison. — Mais dans les environs ?

Amaury. — Seulement, il y a le château !

Le Brison. — Ah ! Il y a un château ?

Amaury. — Le mien, monsieur.

Le Brison. — Oh ! mais, je ne peux pas…

Amaury. — Cela ne me gêne pas. J’habite un rendez-vous de chasse que j’ai fait aménager, Le château me rappelait un incident par trop pénible…

Le Brison. — Ah !

Amaury. — C’est là que j’ai perdu Mme de Chatel-Tarraut.

Le Brison. — Ah ! je ne savais pas… Je ne savais pas que Mme de Chatel-Tarraut fût morte.

Amaury. — Elle n’est pas morte, monsieur. Elle est morte pour moi.

Le Brison. — Je vous demande pardon.

Amaury. — Dans l’antique manoir de mes aïeux, la comtesse de Chatel-Tarraut s’était mise au lit avec un simple sous-préfet… Alors !… Mais ne pensons plus à tout ça !

Le Brison. — Je suis vraiment touché ! Votre château !… Mais dans quelles conditions…

Amaury. — Oh ! rien du tout. Il y a quelques petites réparations à faire que vous prendrez à votre charge…

Le Brison. — Elles ne sont pas trop considérables ?

Amaury. — Nous reparlerons de ça.

Le Brison. — Je vous remercie.

Amaury. — Il n’y a pas de quoi.

Le Brison, regarde l’heure. — Drôle de garage ! Il n’y a personne.

Amaury. — On est parti chercher mon chien.

Le Brison. — C’est juste, vous venez ici pour un chien…

Moi, je viens ici pour voir Rudebeuf, Rudebeuf vient ici pour la fille de la patronne… Je me demande qui jamais est venu dans ce garage pour acheter un châssis. Ah ! mon cher comte, vous ignorez l’automobile ! C’est une source de joies philosophiques !

Amaury. — La fille de la patronne ?… C’est sa nièce.

Le Brison. — C’est sa fille… Je n’en sais rien, mais j’en suis sûr. Et ça doit être un joli numéro, allez, que la mère Grosbois,… je la vois d’ici,… une antique roulure que la police inquiète, dont le garage est un prétexte, et qui, dans les moments noirs, se rappelle aux souvenirs de jeunesse de quelque vieille poire tapée.

Madame Grosbois, entrant. — Tiens, Amaury, voilà ton chien.

Le Brison. — Hein ?

Amaury. — Madame Grosbois, une amie… Le Baron de Brison, un psychologue.

Le Brison. — Mon cher comte !…

Amaury, à madame Grosbois. — Je vous rapporterai votre chien dans une demi-heure, et vous me direz ce que je peux faire pour vous rendre service. (En sortant et à Le Brison.) Je ne croirai pas pour cela être une vieille poire tapée…