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Gabrielle, entrant, suivie d’Etienne. — On n’est pas trop en retard, ma tante ?

Madame Grosbois. — Beaucoup trop ! On a déjà demandé après toi. On était même vexé de ne pas te voir.

Gabrielle. — Un monsieur ou une dame ?

Etienne. — Puisqu’on était vexé de ne pas te voir, c’est un monsieur. N’est-ce pas, patronne, c’est un monsieur ?

Madame Grosbois. — Vous, vous feriez mieux de vous excuser. Il est neuf heures.

Etienne. — Nous sommes en retard. Mais on vous expliquera plus tard pourquoi ; n’est-ce pas, la gosse ?

Gabrielle. — Oui, le gosse.

Madame Grosbois. — Depuis, deux mois que vous êtes ensemble, vous arrivez à des heures !… C’en est dégoûtant. Enfin, ça ne durera pas !

Etienne. — Tiens ! une Rudebeuf. C’est pour le garage ou pour la réparation ?

Madame Grosbois. — Pour la réparation. Un nouveau client. (Bas, à Gabrielle.) Un monsieur très bien. Mets ton petit tablier bleu. C’est peut-être la fortune, chère enfant… Pourquoi souris-tu ?

Gabrielle. — Tu ne peux pas savoir combien tu es rigolote.

Elle sort, au fond, à droite.

Scène III

Les Mêmes, moins Gabrielle.

Jourdain. — Il y a une demi-heure que je suis là-dessous, moi ! L’allumage se fait bien, l’essence arrive. Ca se met en marche. Et il paraît que c’est une panne. J’ comprends rien à cette panne, moi ! (A Mme Grosbois.) Faudra que vous le disiez au client.

Madame Grosbois. — C’est très ennuyeux ! Un nouveau client ! Ca va le décourager.

Etienne. — Tu es une gourde, mon petit Jourdain. Et vous, patronne, vous seriez louffe d’aller lui dire ça. Votre garage marche déjà assez mal. Pas la peine de rater une occasion.

Jourdain. — Mais puisqu’on te dit que j’trouve pas la panne. J’sais y faire, peut-être.

Etienne. — Un bon mécanicien doit toujours donner la raison d’une panne, surtout lorsqu’il ne la sait pas.

Jourdain. — Mais…

Etienne. — Ta clef anglaise !… Patronne, quand le client arrivera, vous lui direz avec le sourire : Monsieur, nous avons trouvé. C’est le cône d’embrayage.

Madame Grosbois. — Qu’est-ce qu’il a, le cône d’embrayage ?

Jourdain. — Il n’a rien !

Etienne. — Il n’a rien. Raison de plus. Vous lui direz donc : c’est le cône d’embrayage qui patine. Dans quarante-huit heures, vous aurez votre