Bastien, tranquille. — Eh ! bien, après ?…
Boulot, effaré. — Eh ! bien, je vous dis : une dame toute nue !… Monsieur Bastien, mais là, nue de nue !…
Bastien. — Eh ! bien, j’entends bien !
Boulot. — Et elle m’a dit : "Garçon, apportez-moi les cartes à jouer !…" Qu’est-ce que vous auriez fait à ma place ?
Bastien. — Eh ! bien, je lui aurais apporté les cartes à jouer !
Boulot. — Toute nue ?
Bastien. — Mais, dame !
Boulot. — Et vous trouvez ça nature ?
Bastien. — Une femme toute nue ? Je te crois !
Boulot. — Ah ! comme la vie est autre à Paris qu’en province !…
Bastien. — Boulot, mon ami, il faudra vous déprovincialiser ici ! D’ailleurs, je suis certain qu’avant quinze jours de service dans cet hôtel vous serez cuirassé ! Vous apporterez comme moi dans les choses de la vie l’indifférence et le mépris. (Il se remet à couper ses bougies.) En attendant, puisque je vous tiens, vous allez me faire le plaisir d’aller frapper au 9.
Boulot. — Au 9 ?… Bien, monsieur Bastien !… Je n’ai pas à m’inquiéter dans quelle tenue elle sera ?
Bastien. — Oh ! ce n’est pas une dame, c’est un pion ! C’est Chervet, le pion suppléant au lycée Fontanes. Je viens de recevoir un mot du patron qui trouve qu’il y a assez de temps qu’il ne paie plus et qui me donne l’ordre de l’expulser en gardant sa malle… Allez et fichez-le à la porte !…
Boulot. — Moi ?…
Bastien. — Eh bien ! oui !
Boulot. — Monsieur Chervet ! mais c’est ce monsieur qui est si rageur !… et qui parle toujours de vous brûler la cervelle !…
Bastien. — Hé ! c’est des mots, tout ça !
Boulot. — Oui, mais s’il me la brûle ?
Bastien. — Vous viendrez me le dire !… Allez, Boulot !…
Boulot. — Bien, monsieur Bastien. (Devant le 9.) Ah ! voilà des corvées que je n’aime pas !…
Il frappe timidement.
Chervet, d’une voix forte. — Entrez !
Boulot, reculant, effrayé, puis ouvrant la porte. — J’aimerais mieux retourner chez la dame d’en haut.
Sortie.
Scène II
Bastien, puis Ernest et une dame
Bastien, se levant. — Pauvre garçon !… Quand il aura comme moi quinze ans d’hôtel, il sera un peu plus bronzé ! (Timbre.) Là ! voilà encore des irréguliers, bien sûr !
Ernest, donnant le bras à la dame. — Garçon !
Bastien, très aimable. — Voilà, monsieur !… Monsieur et madame désirent ?
Ernest. — Garçon, avez-vous ?…
Bastien. — Parfaitement, monsieur !… nous avons (D’une voix