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Léonie. — Serre-moi bien les mains ! là ! fort !… fort !

Toudoux. — Oui !

Ils restent là tous les deux sans rien dire, face l’un à l’autre. Toudoux debout, serrant les mains de sa femme ; celle-ci, l’air épuisé et dolent. De temps en temps, Toudoux lance un regard vers la table où l’attend la suite de son dîner, puis finit par fixer le plafond, l’air ailleurs.

Léonie, devant l’attitude de son mari, sur un ton presque révolté. — Tu n’as pas l’air de t’amuser !

Toudoux. — Ben… !

Léonie, sans détacher ses mains de celles de son mari, faisant néanmoins avec elles tous les gestes que comporte son discours. — C’est admirable ! Monsieur ne s’amuse pas ! Mais, est-ce que tu crois que je m’amuse, moi ?

Toudoux, dont les bras ont exécuté tous les mouvements que lui ont imprimés les gestes de sa femme. — Mais je ne dis pas ça !

Léonie. — C’est moi qui souffre, et c’est Monsieur qui se pose en victime !

Toudoux. — Mais, est-ce que je me plains ? Tu me demandes si je m’amuse, tu ne voudrais pas que je te dise que je m’amuse quand je te vois souffrir !

Léonie. — Oh ! souffrir, tu peux le dire, et par toi !

Toudoux, approuvant de la tête d’un air contrit où perce néanmoins un peu d’orgueil. — Par moi, oui ! (Nouvelle scène muette. Toudoux, après un temps, à sa femme dont la souffrance paraît s’assourdir.) Eh ! ben, ça se calme ?

Léonie. — Un peu, oui !

Toudoux, satisfait. — Ah !

Clémence, entrant avec un plat. — Monsieur ne mange pas ?

Toudoux. — Si, si, tout à l’heure ! ne vous occupez pas !

Léonie, repliée sur elle-même, d’une voix dolente. — Dites-moi, Clémence…