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Valencourt et Emilienne. — Hein ?

Valencourt, pendant que Boriquet fait une course folle dans la chambre, sautant sur les meubles, etc. — Qu’est-ce qu’il a ?

Justin, simulant l’inquiétude. — Ah ! je ne sais pas, Monsieur… Je viens de trouver Monsieur comme ça…

Valencourt. — Mais c’est un accès de fièvre chaude, vite, allez chercher sa soeur…

Justin. — J’y cours… (A part.) Attends un peu, la sœur !

Il se précipite à gauche.

Emilienne. — C’est affreux !

Valencourt, voyant Boriquet, qui est tranquille en train de se chercher les puces comme un singe et de les manger après. — Voyons, Boriquet, mon ami, revenez à vous. (Boriquet saisit Valencourt par le cou, l’enlace d’un bras, et l’épouille de sa main libre.) Voulez-vous me laisser ?

Emilienne. — Ah ! papa ! papa !

Valencourt, qui s’est dégagé des bras de Boriquet, à Emilienne. — Ne crie donc pas ! (Voyant Justin qui revient.) Eh ! bien, Mademoiselle Francine ?

Justin. — Elle arrive !

Valencourt. — Mais qu’elle vienne ! (Allant à sa rencontre.) Mademoiselle ! Mademoiselle !

Justin, au public, au milieu. — A elle, je lui ai suggéré qu’elle était Carmen et qu’elle devait danser la cachucha !… Nous allons voir !

Valencourt, revenant le premier. — Venez, Mademoiselle, venez !

Francine. — Ollé, la Carmencita… Olla podrida… torero !… la salada !…

Valencourt. — Hein ?

Francine, chantant, en dansant la cachucha. — Tra la la la la la la la la la ! Ollé !

Valencourt. — Elle aussi !

Emilienne, effrayée, s’est réfugiée dans les bras de son père. Ils occupent le milieu de la scène, un peu au fond.

Francine. — Tra la la la la…

Les chants continuent, tandis que Boriquet assis sur la table de gauche imite le son de la guitare, en faisant des grimaces, comme les singes automates qui sont sur certaines orgues.

Valencourt. — Oh ! mais c’est une famille de fous ! Viens Emilienne, tu ne peux pas entrer dans cette famille-là.

Ils sortent par le fond, tandis que Francine chante et danse avec furia, et que Boriquet, saisissant tous les papiers qui sont sur la table de droite, les leur lance à la tête.

Justin, triomphant. — Hurrah ! j’ai remporté la victoire ! (A Francine et Boriquet, qui se sont rapprochés.) Allons, assez, vous autres ! (Ils se calment.) Asseyez-vous ! toi là ! toi là ! (Ils prennent chacun le siège indiqué. Il place dans la fourchette de Boriquet un morceau de poulet et dans celle de Francine de la salade.) Et maintenant… (Il leur souffle à la figure, ils se réveillent.) Là, débrouillez-vous.

Il sort à gauche.