Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/33

Cette page n’a pas encore été corrigée

Lanoix, saluant. — Madame !… (À part.) Eh bien ! Elle est comme l’autre…

Marthe, lisant. — "Il faut à tout prix que je vous parle…" Hein ?

Lanoix. — Et elle lit aussi… c’est donc le cabinet de lecture ?

Marthe, lisant. — "Il faut à tout prix que je vous parle… Vous avez bien voulu… (Ne pouvant pas lire.)… Bien voulu…"

Lanoix, continuant la phrase comme une leçon bien apprise par cœur. -… "Bien voulu m’encourager… je me risque…"

Marthe, se levant. — Hein ?… vous !… comment savez-vous ?…

Lanoix. — Oh ! je dis ça… Je suppose… (À part.) C’est une circulaire !

Marthe. — Mais alors vous avez lu ?

Lanoix. — Non !… Je ne connais que cette phrase… voilà tout… Quelque lettre de quémandeur, hein ?… c’est sans importance.

Marthe. — Oui, justement… (À part, en passant au premier plan.) Il m’a fait une peur.

Elle s’assied à droite du guéridon, deuxième chaise.

Lanoix, s’asseyant sur la chaise volante qu’il a portée près de Marthe, entre elle et le canapé. — Et vous allez bien, aujourd’hui, chère future belle-mère ?

Marthe, à part. — Comment, il s’installe !… (Haut.) Oui, oui, très bien… Je vous remercie.

Lanoix, sans se déconcerter devant l’accueil de Marthe. — J’ai été très souffrant cette nuit.

Marthe, énervée et quittant sa chaise pour aller s’asseoir sur la première chaise, à gauche du guéridon. — Allons, tant mieux !

Lanoix, quittant sa chaise et s’asseyant sur celle que vient de quitter Marthe. — Figurez-vous que je cherche ma fiancée pour lui offrir ce bouquet… Mme Landernau m’a dit qu’elle était dans la serre… elle n’y était pas, dans la serre.

Marthe. — Non, non, en effet… (Lisant à la dérobée.) "Le jour on n’est pas tranquille…"

Lanoix. — Vous ne savez pas où je pourrais la trouver ?

Marthe, à part. — Dieu ! qu’il est ennuyeux ! (Haut.) Qui ?

Lanoix. — Ma fiancée !

Marthe, à bout de patience, à part. — Oh !… (Haut et pour s’en débarrasser.) Au grenier !

Lanoix. — Au grenier !… Quelle drôle d’idée !… J’y cours ! (Saluant.) Madame…

Il sort, fond gauche.

Marthe, après avoir replacé la chaise derrière le canapé. — Ce n’est pas malheureux !… Lisons !… "Accordez-moi pour cette nuit une entrevue dans la serre…" Il est fou ! mais pour qui me prend-il ?… (Lisant.) "Je vous jure que ce sera en tout bien tout honneur…" Ah ! en tout bien, tout… Je me disais aussi !… (Lisant.) "Réfléchissez… je suis un galant homme…" (Parlé.) Non… non… je ne peux pas… qu’est-ce qu’on dirait ?… la nuit c’est très dangereux… les "tout bien… tout honneur"… Oui, mais d’un autre côté, si je n’y vais pas… je lui fais une avanie, puisqu’il me dit : "Je suis un galant homme." J’aurais l’air d’en douter… tandis qu’en y allant, il se trouve engagé et ce sera plus poli de ma part… Et puis… et puis… ça ne sera peut-être pas ennuyeux… (Lisant.) "Si vous consentez, dites à votre mari d’agiter son mouchoir quand il me verra, en chantant à votre choix : Colimaçon borgne ou Coucou, ah !