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étonné redescend en continuant à parler ensemble.) Chut !… silence !… taisez-vous ! (On se tait. A Emilie.) Et toi, parle maintenant !… Qu’est-ce que tu viens de me dire ?

Emilie. — Mais rien, Monsieur.

Gentillac. — Si, si, tu viens de me le dire à moi, à l’instant.

Emilie. — Ah ! bien, tiens ! oui, mais pas devant le monde.

Gentillac. — Veux-tu répéter, ou je t’étrangle !

Emilie. — Non, non !… j’ai dit : "Vous savez, j’irai pas demain au Terminus Hôtel ! "

Tous. — Hein !

Gentillac, la secouant. — Et alors la personne que j’avais prise dans l’obscurité pour ta maîtresse et qui était venue s’asseoir près de moi sous le tunnel… Allons, parle !

Emilie, sanglotant. — Je suis elle, Monsieur, je suis elle.

Elle prononce je sui elle.

Gentillac, la repoussant au point qu’elle manque de tomber. — Allons donc ! Eh bien, comprenez-vous, maintenant ?

Fauconnet. — Ah ! Dieu soit loué, oui !

Gentillac. — Ah ! madame, me pardonnez-vous d’avoir pu supposer un instant…

Clarisse. — Ah ! monsieur, c’est indigne, un galant homme aller ainsi à la légère compromettre une femme, par forfanterie, pour se vanter d’une soi-disant bonne fortune, qui aboutit à quoi, à une conquête d’escalier de service !… (à ce moment Emilie, assise à la cheminée, se mouche bruyamment.) Qu’est-ce que c’est que ça ?

Fauconnet. — Rien… elle se mouche…

Clarisse. — Et devant qui allez-vous vous vanter encore ?… Devant votre femme !…

Gentillac. — Ma femme !… Quelle femme ?

Clarisse, indiquant Artémise. — Madame.

Artémise et Fauconnet. — Aïe !

Gentillac. — Elle !… mais ce n’est pas ma femme ! Est-ce que je la connais ? Je ne sais même pas son nom.

Il remonte pour redescendre à droite et s’asseoir au piano.

Fauconnet, à part. — Ah ! le pleutre !

Clarisse, à Fauconnet. — Hein ! Comment, Monsieur, vous m’avez dit…

Fauconnet. — Non, je vais t’expliquer.

Clarisse. — Vous mentez !… Je comprends tout !… Ah ! ah ! vous étiez donc en fête, monsieur Fauconnet !

Fauconnet. — Mais…

Clarisse. — Pendant que je vous crois à votre conseil d’Administration, vous soupez avec des courtisanes !

Artémise. — Hein !

Clarisse. — Et quelles courtisanes ! Des vieilles courtisanes !

Artémise. — Madame !

Clarisse. — Ah ! non ! non ! c’est à mourir de rire. Voilà pour qui on nous trompe, tenez ! Non, il en faut du vice !

Fauconnet. — Clarisse !

Artémise, à Gentillac, assis au piano. — Monsieur, me laisserez-vous insulter plus longtemps !

Gentillac. — Ah ! ma bonne dame ! j’ai autre chose à penser.

Artémise. — C’est bien, Monsieur, je croyais avoir affaire à de