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Fauconnet, sans conviction. — Eh bien oui… c’est dur !… c’est dur !… (Brusquement à Gentillac, tournant le dos à Artémise.) Et alors, cette affaire en question, voyons ?… Expose-moi un peu ça…

Gentillac. — Ah ! bien voilà… euh !…

Artémise, piquée - Je vous ennuie ?

Fauconnet. — Du tout, mon toutou ! Mais nous avons à causer affaires avec Gentillac… C’est même pour ça que nous nous sommes réunis à souper… alors, vous comprenez !

Artémise, piquée. — Bien, bien !

Fauconnet, tourné du côté de Gentillac. — Donc, tu dis ?

Entrée des garçons qui changent les assiettes.

Gentillac. — Eh bien, je dis, n’est-ce pas, que mon système est très simple !

Fauconnet. — Oui, tu as supprimé les rails dans les chemins de fer.

Gentillac. — Non, c’est-à-dire que j’ai supprimé les lignes ferrées !

Joseph passe le rumsteck aux personnes pendant la conversation.

Artémise, se servant. — Merci !

Gentillac, pendant que Fauconnet se sert. — Mais les rails existent toujours, ils ne sont plus sur la voie, mais ils font partie du train.

Fauconnet, qui s’est servi. — Comprends pas bien !

Gentillac, se servant. — Tu vas comprendre ! Chaque voiture, y compris la locomotive, a ses rails indépendants.

Artémise, interrompant. — Dites-moi… voulez-vous…

Fauconnet, sans tourner la tête, lui tapotant dans la main. — Tsse ! Tsse ! Oui, ma cocotte ! oui, ma cocotte ! (A Gentillac.) où les mets-tu, ces rails indépendants ?

Gentillac. — Eh bien ! sous chaque wagon et sous la machine !

Joseph, après avoir servi le rumsteck, pose le plat au fond, prend la mantille qu’Artémise a laissée sur la cheminée, la porte dans le cabinet de droite, puis sort par le fond.

Artémise, voulant parler. — Euh ! je…

Fauconnet, agacé, même jeu que précédemment. — Mais oui, mon toutou, mais oui ! Mange !

Gentillac. — Figure-toi une espèce de navette, quoi !… dont la rapidité d’allure est en rapport direct de la vitesse du convoi…

Artémise. — Enfin ?

Fauconnet. — Mais quoi ?

Artémise. — Mais je voudrais du sel.

Fauconnet. — Eh ! voilà, mon Dieu ! Vous avez une façon de causer affaires ! (Il lui passe du sel. A Gentillac.) Mon Dieu, oui… Comme ça, à raconter, ça me paraît ingénieux, mais il me semble qu’on ne peut aller qu’en terrain plat, avec ton système… Si la route est accidentée… par exemple, tu as un chemin qui monte… qui descend…

Gentillac. — Hein… Si ? Eh bien, je ne le prends pas !

Fauconnet. — Mais alors ?

Gentillac. — Quoi, mais alors… (Se levant sans quitter sa place, d’un ton boudeur.) Non, tu comprends que si tu vas chercher la petite bête… il n’y a pas une invention qui résiste.

Artémise tend son verre. Il se rassied à califourchon sur sa chaise, par conséquent le dos à la table.

Fauconnet, prenant sa chaise et allant s’asseoir en face de lui. — Enfin, voyons, tu es bon… Ton affaire, c’est pour l’appliquer… Si, du