réunion aussi extraordinaire qu’invraisemblable, de son conseil d’administration, une séance de nuit !… Pendant ce temps-là, j’ai couru retenir ce cabinet au Café Anglican, et, comme il nous fallait du beau sexe pour égayer notre souper, nous sommes allés en recruter au bal de l’Opéra !…
Rigolin. — Et où est-il, ton beau sexe ?
Gentillac. — Oh ! il est encore là-bas… Fauconnet chasse. Il m’a dit : "Rapporte-t’en à moi, j’ai un flair d’artilleur !!! " Comme moi, je ne suis pas chasseur, je n’aime le gibier que quand on me l’apporte sur un plat, ma foi, j’ai laissé mon Fauconnet aux aguets !
Rigolin. — C’est drôle, cette chasse à la bécasse !
Bamboche. — Dis donc, tu es encore poli, toi !
Rigolin. — Qu’est-ce que ça te fait !…
Gentillac. — Tiens ! Elle a le sentiment de la solidarité.
Bamboche, se levant et allant à Gentillac. — Eh bien, dites donc, vous !…
Elle le bouscule, Rigolin les sépare.
Rigolin. — Allons, mon vieux, amuse-toi bien… moi je regrette… mais puisqu’il n’y a pas de place ici, je vais aller souper à la Maison d’Or… Viens-tu, Bambochette ?
Bamboche. — Caltons !…
Ils se dirigent vers la sortie.
Gentillac, les accompagnant. — Tu ne m’en veux pas, au moins !
Rigolin. — Allons donc !
Gentillac. — Tiens ! veux-tu dîner demain avec moi ?
Rigolin. — Ah ! impossible, demain je suis de corvée ; je dîne chez ma tante Marjevol ; le dîner du dimanche, le rasoir hebdomadaire… Plains-moi, mon ami !
Gentillac. — Ah ! la tante que tu soignes pour son héritage ?
Rigolin. — Et qui se soigne pour me le laisser le plus tard possible ! Et ennuyeuse ! oh ! ennuyeuse au point que, pour me la faire passer, je me répète tout le temps : "Quinze cent mille francs !… Quinze cent mille francs !!! "
Gentillac. — Oui, tu dores la pilule !
Rigolin. — Ca m’aide à l’avaler… Allons, viens, Emilie !
Joseph entre du fond.
Bamboche. — Voilà !
Rigolin. — Et toi, à une autre fois !
Gentillac. — C’est ça !…
Ils sortent, moins Gentillac.
Scène IV
Joseph, Gentillac
Gentillac, premier plan. — Joseph !
Joseph, descendant à Gentillac. — Monsieur le Comte !…
Il prend le pardessus, la canne et le chapeau de Gentillac et porte le tout dans le cabinet de droite.
Gentillac, s’asseyant. — Vous nous donnerez encore de ce vin que vous m’avez fait boire l’autre jour… du… du comment donc ?
Joseph. — Du Pichon-Longueville ?
Gentillac. — Non, attendez ! C’était du Clos d’Estournel.