Scène III
Les Mêmes, Gentillac
Gentillac. — Joseph, mon cabinet est prêt ?
Joseph. — Ah ! voici justement M. le Comte ! (A Gentillac.) Oui, M. le Comte !
Gentillac, descendant. — Rigolin !…
Joseph sort.
Rigolin. — Ah ! te voilà, toi !… Tu vas bien ?
Gentillac. — C’est toi qui vas bien… avec Emilie Bamboche… Mes compliments !… (Passant au deuxième plan.) Bonjour, Bamboche !
Bamboche, troisième plan. — Bonjour, mon gros !
Gentillac, deuxième plan, indiquant Bamboche. — Tu l’as donc soufflée à ce brave Hector Vatinel ?
Rigolin, premier plan. — Moi ? je n’ai rien soufflé !… J’ai pris une suite… la suite du banquier.
Bamboche, l’air navré. — Vous ne savez donc pas ce qui est arrivé à mon pauvre Totor ?
Gentillac. — Non ! Quoi donc ?
Bamboche. — Oh ! mais tout le monde sait ça ; il est à Mazas.
Gentillac. — Pas possible !… Comment, moi qui ai déjeuné avec lui il n’y a pas huit jours !…
Bamboche. — Eh ! bien, voilà !
Gentillac. — Ce que c’est que de nous ; on se quitte gai et bien portant, et, du jour au lendemain, crac… on se trouve à Mazas !… Ah ! c’est à dégoûter de tout !
Bamboche. — Un garçon qui était si bien dans ses affaires !
Rigolin. — Qui donnait cent vingt pour cent de leur argent à ses commanditaires !
Bamboche. — Oui ! Est-ce que ce n’est pas honnête, ça ?… Eh ! bien on a trouvé que c’était trop… Moi aussi, d’ailleurs, je lui avais dit : "C’est beaucoup trop !… Donne-moi donc plus et donne leur moins…" Ah ! bien oui !
Gentillac. — On n’écoute jamais les conseils désintéressés.
Bamboche. — Pauvre Totor !
Gentillac. — Ah ! c’est dur… parce qu’enfin, ça le retarde d’au moins deux ou trois ans… Je sais bien qu’après, il aura les débouchés plus faciles !
Bamboche. — Ah ! c’est égal, c’est bien triste !
Gentillac. — Ah ! oui, c’est triste !
Rigolin. — Oui, c’est triste !
Gentillac, à Rigolin. — Et à part çà, tu soupes ici ?
Joseph rentre.
Rigolin. — Eh ! non, je voulais, mais cet animal de Joseph…
Joseph, redescendant à l’appel de son nom. — Monsieur le Marquis ?
Rigolin. — Non, rien ; je ne vous ai pas appelé ! (Joseph remonte et sort.) Cet animal de Joseph ne m’a pas retenu de cabinet.
Gentillac. — Ah ! mon pauvre ami, je t’offrirais bien de partager celui-ci !…
Rigolin. — Ah ! bien, tu es bien gentil… Tu veux,… Emilie ?
Gentillac. — Non, non, mais attends donc ! Je t’offrirai bien, seulement je ne t’offre pas…