Bretel. — Une livrée ?
Lucien. — Oui,… une livrée, un costume, enfin !… bleu, avec des boutons d’or.
Bretel. — Une mascarade.
Lucien. — Vous irez le mettre tout à l’heure… Quand on sonnera vous irez ouvrir… Vous ne ferez pas aux visiteurs des questions indiscrètes,… leur nom simplement ; si on ne veut pas vous le dire, vous n’insisterez pas…
Bretel. — Bien !
Lucien. — S’il vient une lettre, un paquet pour moi… vous ne me le présenterez pas à même la main, vous le mettrez sur un plateau… Il y a un plat pour ça.
Bretel, tout en écoutant se met les doigts dans le nez. — Bien.
Lucien. — Enfin, quand je vous parle, vous éviterez de vous fourrer les doigts dans le nez.
Bretel. — Oh ! gott ! gott ! Y en a-t-il ! y en a-t-il !
Lucien. — Voilà ce que j’ai à vous dire pour le moment… Je vous donnerai cinquante francs par mois.
Bretel. — Ca est bien.
Lucien. — Le blanchissage.
Bretel, avec une moue. — Peuh !
Lucien. — Le vin.
Bretel. — Non, pas de vin, sais-tu, Monsieur, du farro !
Lucien. — Ca, c’est votre affaire.
Bretel. — Et le milk-café.
Lucien. — Le milk-café ?
Bretel. — Ah ! ça est vrai, tu ne causes pas le patois parisien !… Tu ne parles pas le français belge !… Eh ! bien, le café au lait !
Lucien. — Ah ! le café ! va pour le café. Maintenant, mettez-vous à votre service. Le couvert est déjà sur la table. Vous n’avez qu’à la porter ici, au milieu.
Bretel. — Voila !… (Il porte la table au milieu de la scène.) Et le déjeuner, monsieur, où c’qu’il est ? (montrant la salade qui est sur la table.) Est-ce qu’il n’y a que la salade ?
Lucien. — Ne vous inquiétez pas ! On l’apportera tout à l’heure. (voyant Bretel dont les regards se sont fixés sur une photographie de Dora qui est sur la cheminée.) Qu’est-ce que vous regardez comme ça ?…
Bretel, prenant la photographie sous cadre. — C’est c’te dame ! ça est un beau brin de sexe, sais-tu ?
Lucien. — Vous trouvez ?
Bretel. — Ca est ta bonne amie, hé ?
Lucien. — Eh ! bien, dites donc, est-ce que ça vous regarde ?… Voilà des expressions !
Bretel. — Alleï ! alleï ! ça, c’est de ton âge ! ça est une belle femme !
Lucien. — Vous saurez, Monsieur Bretel, que je ne reçois jamais ici que de jeunes et jolies femmes !
Bretel. — Tu as raison… Seulement, la vitre, il est sale…
Il crache sur le verre de la photographie et l’essuie avec la serviette de Lucien qu’il a prise sur la table.
Lucien. — Eh ! bien, en voilà des manières ! espèce de malpropre !
Il lui arrache le portrait qu’il replace sur la cheminée. On sonne.
Lucien. — Tenez, on sonne ! allez ouvrir. Moi, je vais passer une jaquette. Vous m’apporterez mes bottines.