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les cartes… Savez-vous ce qu’elles m’ont dit, les cartes "Si Lanoix de Vaux se marie… il sera malheureux ; s’il reste avec sa Camélia, il sera toujours heureux !" Et ça m’a coûté 20 francs pour la bonne ! Vous comprenez que je ne veux pas aller contre les destins !…

Il s’assied à droite sur le tabouret du piano.

Julie, entrant de gauche. — Papa m’a dit va retrouver ton fiancé… Il m’ennuie mon fiancé… il bégaie… et, a ajouté papa… observe-toi, tiens-toi droite, et compte deux fois jusqu’à quatre entre toutes tes paroles.

Lanoix, se levant. — La petite Pacarel !… Tournons sept fois la langue !… (Il salue, tourne sept fois sa langue et parle.) Bonjour mademoiselle, comment allez-vous ?

Julie. — Une, deux, trois, quatre… une, deux, trois, quatre. Très bien, je vous remercie, et vous ?

Lanoix. — Ah ! ça ! qu’est-ce qu’elle a ? (Tournant sept fois sa langue.) Je vous avais apporté un bouquet (Même jeu), seulement je me suis aperçu qu’il était fané… (Même jeu,) Alors, je l’ai jeté !…

Julie, à part. — Dieu ! qu’il est agaçant avec son tic ! (Haut.) Une, deux, trois, quatre… une, deux, trois, quatre… Trop aimable !

Lanoix. — Ce que c’est tout de même d’être musicienne, elle bat la mesure tout le temps…

Julie. — Une, deux, trois, quatre… une, deux, trois, quatre… Et madame votre mère va bien ?

Lanoix, à part. — Ce qu’elle est crispante ! (Haut, après avoir tourné sa langue autour de la bouche.) Très bien, mais sa pauvre sœur est très malade… Avec ça elle a perdu sa meilleure amie ! Elle a un chagrin… elle ne sait plus sur quel pied danser !

Julie. — Une, deux, trois, quatre… une, deux, trois, quatre… Allons tant mieux, tant mieux ! (À part.) Il doit avoir une paralysie de la langue !

Elle s’assied près de la table du milieu, extrême gauche.

Lanoix, à part. — Non, mais, me voyez-vous toute ma vie embringué de cette petite dinde… (Il s’assied près de la table ; mais à l’extrême droite.) Quand on est cinq minutes avec elle, on ne trouve rien à lui dire…

Julie, à part. — Le beau mari que cela ferait… (Haut.) Une, deux, trois, quatre… une, deux, trois, quatre… Vous semblez pensif ?

Lanoix, tournant sa langue. — C’est dans ma nature !…Je suis un esprit observateur… il faut toujours que je m’explique le pourquoi des choses… Ainsi, en ce moment, je suis en train de faire des études… pour avoir l’explication d’un phénomène que vous avez dû remarquer comme moi, si vous en avez fait l’épreuve…

Julie. — Une, deux, trois, quatre… une, deux trois, quatre… C’est ?…

Lanoix, tournant sa langue. — Pourquoi la mie de pain qui est blanche, quand on la roule entre ses doigts, devient-elle noire ?

Julie, à part. — Quelle cruche, mon fiancé ! (Haut.) Une, deux, trois, quatre… une, deux, trois, quatre… Je n’ai pas fait d’études spéciales !.. (À part.) Et l’on veut que je l’épouse… Jamais !

Elle se lève.

Lanoix, se levant. — Plutôt prononcer mes vœux que de la prendre pour femme !

Ensemble.

Julie. — Monsieur,