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m’avez trouvée dans cette maison où j’étais venue, comme madame, pour retrouver mon amant.

Pontagnac, bondissant. — Qu’est-ce qu’elle a dit ?

Mme Pontagnac. — Adieu, monsieur.

Elle sort par la gauche.

Pontagnac, courant après elle, ses bretelles lui battant les mollets. — Malheureuse !

Le Commissaire, l’arrêtant. — Veuillez rester, monsieur, nous avons besoin de vous.

Pontagnac. — Mais vous avez entendu ce qu’elle a dit, Monsieur le Commissaire, elle a un amant. (Le Commissaire hausse les épaules, descendant.) Mais où est-il ce misérable, que je l’étrangle, que je le tue !

Gérome, à part. — Il veut faire du mal à mon Ernest, à mon enfant !

Pontagnac, marchant, furieux. — Mais qu’il se montre donc, cet amant, si ce n’est pas un lâche !

Gérome, s’avançant. — C’est moi !

Pontagnac. — Vous !

Rédillon, à Gérôme. — Eh bien ! qu’est-ce que vous dites ?

Gérome, bas à Rédillon. — Tais-toi, je te sauve !

Pontagnac. — C’est bien, monsieur, nous nous reverrons ! votre carte !

Gérome. — Je n’en ai pas !… Mais je suis Gérôme, valet de chambre d’Ernest… de mon petit Ernest…

Il donne une petite tape amicale sur la joue de Rédillon et remonte.

Pontagnac. — Le valet de chambre !

Le Commissaire, descendant, à Pontagnac. — Eh ! ne voyez-vous pas qu’on se moque de vous ; et Mme Pontagnac elle-même !… Ne comprenez-vous pas que c’est là un jeu de femme outragée et non le fait d’une épouse coupable !

Pontagnac, remontant entre la table et la cheminée et prenant son chapeau. — Oh ! je le saurai !

Le Commissaire, remontant. — En attendant, nous avons besoin de votre présence. Où y a-t-il de quoi écrire ?

Rédillon. — Par là, monsieur le Commissaire.

Il montre la pièce du fond.

Le Commissaire. — Merci, monsieur. (À Pontagnac.) Veuillez me suivre, monsieur et… madame.

Lucienne. — C’est bien ! (Elle se lève et remonte lentement, le regard toujours fixé sur son mari. À mi-chemin, réprimant difficilement son émotion, sa figure se contracte de sanglots et montrant son mari, sans qu’on entende une parole, simplement par le mouvement des lèvres, elle dit :) Un homme à qui j’avais donné tout mon amour ! (À ce moment, Vatelin, pour se donner une contenance, se lève et tourne la tête d’un air dédaigneux du côté de sa femme. Lucienne reprend aussitôt son expression de bravade et, avec un geste de tête en arrière,) Allons !

Elle gagne la pièce du fond dans laquelle tout le monde, à l’exception de Rédillon et Vatelin, est entré.