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Pacarel, l’arrêtant, — Ne fais pas cela, malheureux ! Il ne manque plus que cela, la révolte de l’adultérin contre le légitime !…

Dufausset, frappant sur la table. — J’en aurai le cœur net…

Pacarel. — Ne t’agite pas… ne vous agitez pas !… Ce qui est fait est fait… Pour moi, j’ignore tout… Tenez, ne parlons plus d’eux et signons le traité. (Dufausset s’assied au bureau, Pacarel s’appuie sur sa chaise.) Alors, vous signez Dufausset ? Pauvre Dufausset ! Tenez, mettez à côté, "dit Dujeton"… pour qu’on sache…

Dufausset signe.

Dufausset. — Est-ce cela ?

Pacarel. — Parfait ! voici votre traité… (Dufausset se lève.) et voici le mien… et maintenant vous êtes mon ténor particulier !

Dufausset. — Ah ! bien, je vous souhaite du plaisir…

Pacarel. — Oh ! moi, j’ai toujours aimé à protéger les arts.

Dufausset, indiquant les petites palmes d’argent que Pacarel porte à sa boutonnière. — C’est sans doute pour cela que vous êtes officier d’Académie…

Pacarel. — Non, ça c’est une décoration que j’ai trouvée au bal de l’Opéra… Je l’ai déposée chez le commissaire… personne ne l’a réclamée. Au bout d’un an et un jour on m’a dit : "Ça vous appartient." Voilà comment je suis officier d’Académie

Dufausset. — Mes compliments !

Pacarel. — Ah ! suivez-moi, je vais vous installer dans votre chambre… À propos, une petite recommandation, vous ne jouerez pas du piano de trop bonne heure pour ne pas réveiller le monde.

Dufausset. — N’ayez pas peur !… J’ai le respect…

Pacarel. — Des autres !

Dufausset, — Du piano surtout

Pacarel. — Vous savez, ces dames aiment à dormir.

Dufausset, à part. — Ces dames !… Elle en est de ces dames !… Madame… comment s’appelle-t-elle ?… C’est que je suis absolument pincé depuis ce matin.

Pacarel. — Venez-vous ?

À la porte gauche. Il disparaît un moment.

Dufausset. — Voilà son panier à ouvrage.. Ah ! Ma foi, je vais lui écrire un mot ! (Il déchire une page de son carnet et écrit)  : "Depuis que je vous ai frôlée, je vous aime !…" Là, et maintenant, dans le panier…

Pacarel, redescendant en scène et allant à Dufausset. — Ah ! çà ! qu’est-ce que vous faites donc dans le panier de Mme Landernau ?

Dufausset. — Moi, rien… (À part.) Mme Landernau !… C’est la femme de l’autre ! de l’autre… Alors, je n’ai pas de scrupules à avoir.

Pacarel. — Vous regardez son panier avec des yeux de merlan frit !

Dufausset, se levant. — Monsieur Pacarel, êtes-vous homme à garder un secret ?

Pacarel. — Oh ! quand je ne peux pas faire autrement.

Dufausset. — Je trouve Mme Landernau admirable !

Pacarel. — Vous ! Allons donc !… c’est pas possible, mais vous ne l’avez pas regardée… une poitrine ! ça n’en finit pas… ça s’en va, ça s’en va… elle s’en va de la poitrine, mon ami !

Dufausset. — Que voulez-vous, j’en suis toqué…

Pacarel. — Eh ! bien, pour la rareté du fait !… (À part.) C’est égal, j’aurai l’œil… Landernau, un ami !