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Scène II

Les Mêmes, moins Gérome

Rédillon, sur le divan. — Je te demande pardon, c’est un vieux domestique de la famille.

Armandine, sur le fauteuil. — Il est plutôt familier !

Rédillon. — Eh ! bien ! oui, puisqu’il est comme de la famille ! C’est mon oncle de lait !

Armandine. — Ton oncle de lait ?…

Rédillon. — Autrement dit, c’est sa mère qui a nourri papa. Nous sommes parents par le lait.

Armandine. — C’est égal, ça fait un drôle d’effet de l’entendre te tutoyer et toi lui dire vous.

Rédillon. — Qu’est-ce que tu veux, il m’a vu naître, et pas moi. (Bâillant.) Pristi ! que je suis fatigué !

Il s’allonge sur le divan, la tête vers le public.

Armandine, se levant. — Ah ! mon pauvre Ernest, décidément tu ne détiens pas le record !

Elle va à lui.

Rédillon. — Je n’ai jamais posé pour le champion de France.

Armandine, un genou sur le divan entre les jambes de Rédillon. — Tu fais aussi bien. (Elle l’embrasse.) On dirait que ça t’ennuie quand je t’embrasse !

Rédillon, sans conviction. — Non !

Armandine, assise. — Voilà ! déjà !

Rédillon. — Mais enfin, voyons !… (Sur un ton d’imploration.) Repos !

Armandine. — Ah ! c’est bien ça, les hommes ! ils ne sont gentils que la veille !…

Elle se lève.

Rédillon. — Oh !… ou le surlendemain !

Armandine, debout devant lui, regardant une aquarelle au-dessus du divan. — C’est gentil ce que tu as là ! C’est le portrait d’une propriété à toi ?

Rédillon. — Ca ? c’est le Capitole.

Armandine. — Le Capitole ? Ah ! c’est donc ça, le Capitole ! Tiens, c’est drôle !

Rédillon, toujours étendu. — Qu’est-ce que tu trouves de drôle à ça ?

Armandine, s’asseyant. — Oh ! rien, c’est à cause de Schmitz-Mayer ; tu sais Schmitz-Mayer…

Rédillon. — Oh ! oui, oui !

Armandine. — Il m’ennuie toujours avec… Il veut absolument — je ne sais pourquoi il s’est fourré ça dans la tête — que j’aie sauvé le Capitole !

Rédillon. — Toi !

Armandine. — C’est pas vrai, tu sais, je ne l’ai pas sauvé du tout. Je ne le connais même pas,… ainsi !…

Rédillon. — Eh ! bien ! alors !…

Armandine. — Eh bien ! non, il n’en démord pas. Il dit que je