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ici, et maintenant il n’y a plus personne à la cuisine ! Vous avez bien un fourneau à gaz, au moins ?

Victor. — Oh ! oui ! Il y a un fourneau, monsieur !

Pinchard, remettant son dolman, aidé par Victor. — C’est bien, vous allez me mener, je ferai le cataplasme moi-même.

Victor. — Bien, monsieur. Voulez-vous me permettre monsieur le Major !

Pinchard, lui donnant le dolman. — Non ! je ne permets pas. Je vous l’ordonne ! (Jeu de scène.) Si jamais je te rencontre dans une infirmerie, je t’en fourrerai un de cataplasme, moi ! (Sa bougie à la main et sans voix, à sa femme.) Je descends faire le cataplasme, je reviens dans cinq minutes. Toi, tâche de t’endormir.

Mme Pinchard. — Que je tâche de m’endormir ? N’aie pas peur !… Si je peux !… Ne sois pas long !

Pinchard. — Non !

Mme Pinchard se retourne du côté du mur. Pinchard et Victor sortent. La scène reste un instant vide.

Maggy. — Le bruit il a fini ! Mais qu’est-ce qu’il se passe donc ? Et Vatelin qui ne revient pas, lui. Oh ! non ! je veux m’habiller que je m’en aille… Mais où a-t-il fourré mon billement ? (Elle cherche un peu partout et finit par aller regarder sur le lit, apercevant Mme Pinchard, qui lui tourne le dos.) My God ! il y a quelqu’un dans le lit ! (Elle se précipite, affolée, dans le cabinet de toilette qu’elle vient de quitter.)

La scène reste de nouveau vide ; soudain l’on entend le bruit d’une clé tournant dans la serrure de la porte du fond et puis celui d’une poussée contre la porte, mais la porte résiste.

Voix de Vatelin. — Ah çà ! qu’est-ce qu’elle a donc, cette serrure ?

Nouveau bruit de clé et poussée de Vatelin, la porte cède.

Vatelin, entrant. — Suis-je bête ! je tournais à l’envers. Au lieu d’ouvrir je fermais à double tour. (Il ferme la porte.) Ah ! là ! là ! quelle ventouse que ce Soldignac !… J’ai cru que je ne m’en dépêtrerais pas !… Allons délivrer Maggy. (Ronflement dans le lit.) Hein ! on a ronflé là-dedans ! (Ecartant le rideau.) Comment, elle s’est couchée ? Ah ! non, elle est étonnante ! Rien ne la trouble !… (Prenant son sac derrière le canapé, il le pose sur la table et en sort une paire de pantoufles qu’il jette devant le lit, puis il place une chaise sur laquelle il déposera ses vêtements près du lit, du côté de la table de nuit.) Ah ! c’est beau, la nature britannique !… Ma foi, elle dort, ne la réveillons pas. C’est autant de gagné. Je vais me coucher bien doucement… en ayant bien soin de ne pas la tirer de son reposant sommeil… (Commençant à se déshabiller.)… reposant pour moi ! (En descendant, il trébuche sur les souliers laissés par Pinchard, les ramassant.) Non, croyez-vous qu’elles ont des pieds, ces Anglaises ! (Il a retiré ses bottines et va les déposer dehors avec ceux de Pinchard.) Pristi ! que j’ai soif ! (Voyant le verre laissé sur la table par Pinchard.) Il tombe bien, celui-là ! Madame Soldignac, je connaîtrai votre pensée. (Il boit.) Ah ! ça fait du bien… (Il achève de se déshabiller.) J’ai les yeux lourds… Je crois que je ne tarderai pas à m’endormir… Allez, couchons-nous, et doucement, pour ne pas éveiller ma maîtresse. (Il se glisse dans le lit.) Sapristi ! elle en prend de la place… Je