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Mme Pinchard, de l’autre côté du lit. — Mon démêloir, passe-moi mon démêloir.

Pinchard, tirant un démêloir du sac. — Le démêloir ! voilà ! (Il le lui passe passe-dessus le lit puis, prenant le verre qui est sur la table de nuit au pied du lit, la carafe et la cuillère.) Voyons, préparons cela !

Il redescend à la table et prépare la solution. Mme Pinchard, en jupon, sans corsage, les cheveux sur les épaules, s’assied sur le lit pour se démêler ; le timbre, placé sous le matelas à la place qu’elle occupe, se met naturellement à sonner d’une façon continue. Pinchard n’y fait pas attention. Il s’assied à la table.

Pinchard, comptant les gouttes. — Une, deux, trois… Ah ! çà ! quel est l’animal qui s’amuse à sonner comme ça à cette heure-ci ?… Quatre, cinq, six, voilà six gouttes ! (Il pose le verre sur la table et se lève.) Oh ! mais il commence à m’embêter avec sa sonnerie ! (Courant ouvrir la porte du fond et criant dans le couloir.) Vous n’avez pas bientôt fini, là-bas, le sonneur !

Une voix dans le couloir. — Ah çà ! qui est-ce qui sonne comme ça, donc ?

Pinchard, répondant à la personne. — Je ne sais pas, monsieur, c’est insupportable ! (Criant.) Assez, là ! il y a des gens qui dorment !

Mme Pinchard, se levant pour aller voir, la sonnerie cesse. — Qu’est-ce qu’il y a donc ?

Pinchard, n’entendant plus sonner. — Ah ! ça cesse, c’est pas trop tôt !

La voix. — Oui, il était temps ! Bonsoir, monsieur.

Pinchard. — Salue bien, monsieur.

Il referme la porte du fond.

Mme Pinchard. — Qu’est-ce qu’il y a donc eu, Pinchard ?

Pinchard. — Rien, rien. (La poussant du côté du lit.) Va, couche-toi, il est tard, je vais en faire autant. Je l’ai bien fait taire, cet animal ! (Il retire son dolman ; pendant ce temps, Mme Pinchard se couche. La sonnerie reprend de plus belle.) Allons, bon ! les voilà qui recommencent ! C’est assommant à la fin ! (S’appuyant sur le lit pour retirer ses souliers et mettre ses pantoufles, le timbre qui est de son côté se met à sonner conjointement avec l’autre.) Comment, en voilà un autre qui se met de la partie !… Ce n’est pas possible, il y a un concours de timbres dans l’hôtel !… On n’a pas idée d’un pareil charivari !…

Il se met à retirer ses bottines en tournant le dos à la porte de gauche.

Scène XV

Les Mêmes, Pontagnac, Lucienne, puis Le Gérant, Le Groom, Clara, des Voyageurs, etc.

Lucienne, surgissant, suivie de Pontagnac. — Ah ! c’est toi, misérable !

Elle s’approche de lui et le prend par les épaules, Pinchard dans le mouvement perd l’équilibre et tombe assis par terre. Il a toujours le dos tourné aux autres personnages et n’a pu retirer qu’une seule bottine.