Pacarel. — Et maintenant, mes amis, je ne vous chasse pas, mais nous avons à causer ensemble, Monsieur et moi
Landernau. — Cela se trouve bien, j’ai justement à travailler.. Venez-vous, mesdames… À tout à l’heure !
Tous sortent par le fond, excepté Pacarel et Dufausset.
Scène III
Pacarel, Dufausset
Pacarel — Et maintenant, parlons sérieusement. Je vais droit au fait ! Voilà ce que je vous propose… je ne lésinerai pas ! Voulez-vous trois mille francs par mois ?
Dufausset. — Moi, si je… hein !
Pacarel. — Trois mille francs par mois, nourri, logé, chauffé et soigné… Ça ne vous suffit pas ?
Dufausset. — Qu’est-ce qu’il chante ? Vous voulez rire ?
Pacarel. — Moi je veux rire… non du tout, je croyais… (À part.) Cristi ! ils sont exigeants les ténors à présent ! Enfin qu’est-ce qu’on vous donnait à Bordeaux ?
Dufausset. — Mon père…
Pacarel. — Mon père… Il tient à m’appeler son père. Je vous demande ce qu’on vous donnait ?
Dufausset. — Cent francs !
Pacarel. — Eh ! bien, ça fait bien trois mille.
Dufausset. — Comment cent francs, ça fait trois mille !…
Pacarel. — Dame, il y a trente jours par mois, cent fois trente, trois mille…
Dufausset. — Permettez, c’est que…
Pacarel. — Enfin, c’est bon, je ne lésine pas… Disons trois mille cinq… Voulez-vous trois mille cinq par mois ?
Dufausset. — Si je le veux !… Il est étonnant ! Ah ! papa me disait bien que c’était un homme charmant, mais je ne croyais pas que ce fût à ce point.
Pacarel. — Acceptez-vous ?
Dufausset. — Si j’accepte… tiens, parbleu !
Pacarel, passant au premier plan, va au bureau de gauche et s’assied — Oui. Eh ! bien alors, c’est convenu… Nous allons signer notre traité… et un traité en règle… parce que, comme cela, chacun connaît son droit… et vous savez, le droit avant tout.
Dufausset. — Oh ! alors, c’est vous qui me ferez passer les colles…
Pacarel. — Je ne connais pas l’argot des théâtres… D’abord nous stipulons un fort dédit… Quarante mille francs si vous me quittez !
Dufausset. — N’ayez pas peur, je ne vous quitterai pas !… Et qu’est ce qu’il faudra faire pour ça ?
Pacarel. — Chanter quand et où bon me semblera !
Dufausset. — Chanter ! C’est une drôle d’idée par exemple !
Pacarel. — Vous êtes payé pour ça !
Dufausset. — Dites donc, vous voulez faire une niche à quelqu’un ?
Pacarel. — Oui, à l’Opéra !…
Dufausset. — En m’y faisant chanter ?
Pacarel. — Non !… C’est-à-dire que… (À part.) Inutile qu’il sache, il se ferait mettre à l’enchère… (Haut,) Enfin peu importe quelles sont mes idées… Acceptez-vous