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Pontagnac. — Eh ! bien ! c’est ça, la pêche au grelot. On met un grelot au bout d’une ligne et c’est le poisson lui-même qui sonne pour avertir le pêcheur qu’il est pris. C’est tout simplement ce procédé-là que j’applique à l’usage de Vatelin.

Lucienne. — Vous allez pêcher mon mari au grelot ?

Pontagnac. — Vous l’avez dit, et c’est lui-même et sa… compagne qui auront la complaisance de nous sonner au moment voulu.

Lucienne. — Oh ! voyons, quelle bêtise !…

Pontagnac. — Bêtise ? Tenez ! vous allez voir comme c’est facile ! (Remontant au lit, suivi de Lucienne.) Quel est le côté habituel de votre mari ?

Lucienne. — Le bord.

Pontagnac. — Le bord, bon ! par conséquent, madame, c’est la ruelle ! Le bord, la ruelle ! Bien ! Ceci dit, je prends ces deux timbres électriques ! Le gros, là. (Il fait sonner l’un des timbres. Sonnerie grave.) Nous dirons que c’est Vatelin ! Et celui-ci. (Il fait sonner l’autre timbre. Sonnerie aiguë.) Ce sera madame ! (Les faisant sonner successivement.) Monsieur, Madame ! Bien ! Je place Monsieur ici. (Il glisse le premier timbre sous le matelas du lit, à la place que Lucienne a indiquée comme devant être celle de Vatelin. — Faisant le tour du lit et apparaissant dans la ruelle.) Et Madame, là !

Il glisse l’autre timbre sous l’autre côté du matelas.

Lucienne. — Oui, et puis ?

Pontagnac. — Quoi, "Et puis ?" Et puis voilà, ça y est, c’est amorcé.

Lucienne. — Comment, ça y est ?

Pontagnac, dans la ruelle. — Eh ! bien, oui, nous n’avons plus qu’à attendre que ça morde. L’un des deux pénètre dans le lit, crac, une sonnerie ! Nous ne bougeons pas, il n’y a qu’un poisson de pris. Soudain la seconde arrive renforcer la première, ça y est ! nous les tenons tous les deux.

Il quitte la ruelle du lit.

Lucienne. — Mais c’est très ingénieux.

Pontagnac. — Oh ! Non, c’est génial, voilà tout !

Bruit de voix au fond.

Pontagnac, prenant sa canne et son chapeau. — J’entends du bruit, c’est peut-être nos personnages.

Il remonte à gauche.

Lucienne. — Eux ! je vais leur crever les yeux !

Pontagnac, l’arrêtant. — Ah ! là ! ils ne sont pas encore arrivés que vous voulez déjà leur crever les yeux ? Vite, venez, nous n’avons que le temps.

Il la fait passer devant lui.

Lucienne, comme si elle parlait à son mari. — Ah ! tu ne perdras rien pour attendre !

Ils sortent de gauche et l’on entend, après leur sortie, le bruit de la clé dans la serrure. En même temps la porte du fond s’ouvre pour laisser passage à Maggy suivie de Clara portant deux oreillers.