Pontagnac. — C’est ici !
Lucienne. — Dans cette chambre ?
Pontagnac. — Le 39 ! Parfaitement !
Lucienne, s’asseyant sur le fauteuil. — Quelle turpitude !… Et dire que c’est dans cette chambre !… Elle a plutôt l’air honnête, cette chambre ! Menteuse ! Que c’est dans cette chambre que, tout à l’heure, mon mari avec une autre…
Pontagnac, retirant ses gants. — Avec une femme !
Lucienne, se levant. — Oui ! Et alors tous les deux, lui, comme je le connais dans l’intimité… avec ses mots, ses tendresses, ses riens, et elle, elle, comme je ne la connais pas… avec ses… est-ce que je sais, moi ? et alors ? Oh ! non, non je ne peux pas, je ne veux pas ! O Dieu ! vous pourrez assister à cela de sang-froid, vous ?
Pontagnac. — Mon Dieu, si le geste est beau !
Lucienne, passant à droite. — Ah ! taisez-vous. Je ne vois que trop ! Je ne me représente que trop ! D’affreuses images se dressent devant mes yeux ! Ah ! non, non, je ne veux pas voir, je ne veux pas voir ! (Elle met la main sur ses yeux.) Ah ! et puis non, j’aime encore mieux garder les yeux ouverts ; quand je les ferme ; j’y vois encore mieux !…
Pontagnac. — Je vous en prie, ne vous énervez pas comme ça !
Lucienne. — Oh ! il me semble que j’en veux à tout ce qui m’entoure. (Elle remonte en passant derrière le canapé.) À ces murs de leur complicité, à ces meubles pour ce dont ils vont être témoins, à cela… Oh ! non, non, ça, je ne veux pas ! Je ne veux pas ! La sonnette, où est la sonnette ?
Pontagnac, l’arrêtant. — La sonnette ! Pourquoi faire ?
Lucienne. — Je vais faire enlever le lit !
Pontagnac. — Ah ! mais non, mais vous n’y pensez pas !… Ah, çà voulez-vous surprendre votre mari, oui ou non ?
Lucienne. — Oh ! oui, certes, je le veux !
Pontagnac. — Eh ! bien, alors, si vous voulez avoir la preuve matérielle du délit, ne lui enlevez pas le moyen de se manifester.
Lucienne. — Oh ! mais c’est épouvantable, l’épreuve que vous m’imposez.
Ils descendent un peu.
Pontagnac. — Nous tâcherons de ne pas la prolonger inutilement.
Lucienne. — Oh ! oui.
Pontagnac. — Pourvu que nous arrivions au moment psychologique !
Lucienne. — Avant, oh ! avant !
Pontagnac. — Eh ! bien oui, c’est ce que je veux dire : pas trop tôt pour ne pas voir arriver les violons et pas trop tard…
Lucienne. — Pour que la musique n’ait pas eu le temps de commencer.
Pontagnac. — Voilà !
Lucienne. — Oui, c’est ça ! Mais comment saurons-nous ?…
Pontagnac, allant à la table. — Eh ! bien, j’y avais déjà réfléchi, et mon moyen, le voici !
Il montre deux timbres électriques enveloppés dans un papier et qu’il avait posés sur la table.
Lucienne. — Qu’est-ce que c’est que ça ? des timbres électriques !
Pontagnac. — Vous l’avez dit ! Savez-vous ce que c’est que la pêche au grelot ?
Lucienne. — Non !