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Rédillon. — C’est un juif ?

Il s’assied.

Armandine. — Oui, mais il n’a pas été baptisé !… C’est le Schmitz-Mayer qui monte en steeple ; oh ! tu ne connais que lui. C’est lui qui a gagné tant d’argent dans cette émission, comment donc… Tu sais bien, les journaux en ont parlé ! Ca ne vaut plus un clou aujourd’hui.

Rédillon. — Il y en a tant.

Armandine. — Oh ! mais si ! Tiens, c’est sa sœur qui a épousé le duc…

Rédillon. — Non, mais dis donc, je ne suis pas venu ici pour entendre la généalogie de ton amant !

Armandine. — Le pauvre garçon !… Il fait ses vingt-huit jours en ce moment, c’est pour cela qu’il n’est pas là.

Rédillon. — Eh ! bien ! tant mieux !… À la caserne ! À la caserne ! (Se levant.) Ma petite Armandine !

Armandine. — Quoi ?

Rédillon tend ses lèvres comme précédemment.

Armandine, se levant. — Ah ! (Elle l’embrasse longuement.) Tu sais, j’ai vu tout de suite que tu me faisais de l’œil, hier, au théâtre !

Rédillon. — Oui-dà !

Armandine. — C’était Pluplu qui était avec toi dans la loge ?

Rédillon. — Oui. Tu la connais ?

Armandine. — Oh ! je la connais ! Comme elle me connaît ! de vue ! C’est une femme chic ! C’est même ça qui m’a donné envie de toi. (Descendant à gauche.) Sans ça, j’aurais pas répondu à tes œillades, parce que tu sais, quand je ne connais pas les gens, moi, d’habitude…

Rédillon. — Aha ?

Armandine. — Mais qu’est-ce que tu veux ! le monsieur d’une femme chic, il n’y a pas… C’est stimulant !… C’est pour ça que je t’ai fait passer ma carte par l’ouvreuse pendant l’entr’acte.

Rédillon. — Oui-dà ! alors, c’est à Pluplu que je dois…

Armandine. — Ne va pas lui dire tout ça au moins ! Si nous devons…

Rédillon. — T’es bête !

Armandine. — Ah ! non, ou alors il n’y a rien de fait… parce que tu sais, je ne voulais pas lui faire une saleté.

Elle remonte à la cheminée.

Rédillon, la suivant. — Mais sois donc tranquille !… T’es rudement bien faite, tu sais… C’est à toi tout ça ?

Armandine. — Mais dame ! à qui veux-tu que ce soit ?

Rédillon, la prenant dans ses bras. — Mais… à moi !…

Il l’embrasse.

Armandine. — Aha ! gourmand !… mais tu me le rendras ?

Rédillon. — Naturellement.

Armandine. — Ah ! oui, parce que… qui qui ne serait pas content ? C’est Schmitz-Mayer !

Rédillon, la quittant et descendant. — Ah ! zut ! alors ! Si tu ne me parlais pas tout le temps de ton Schmitz-Mayer !

Armandine, descendant. — Ah ! ce qu’il m’aime, lui !… Il est drôle ! Tu ne sais pas ce qu’il me dit toujours : "Je t’aime parce que tu es bête !" N’est-ce pas que je ne suis pas bête ?

Rédillon. — Mais non, tu n’es pas bête ! Ouh ! ma petite Armandine…

Ils s’embrassent.