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Lucienne, se levant — Mon Dieu, monsieur, vous savez, moi…

Soldignac. — Oui, et alors je divorce.

Vatelin, se levant. — Comment, vous voulez divorcer ?

Soldignac. — Oh ! oui… je serai très content. Elle m’embête, ma femme… Elle a toujours un tempérament ; ça me dérange pour mes affaires. Alors je viens vous voir comme avoué pour vous prépariez tout de suite toutes les pièces pour le divorce.

Vatelin. — Moi !

Soldignac, allant prendre son chapeau au fond. — Oui parce que souis très pressé.

Vatelin. — Mais ça n’est pas mon affaire,… comment voulez-vous,… c’est à Londres que vous devez…

Soldignac. — Pourquoi à Londres ? Je souis pas de Londres !

Vatelin. — Ah !

Soldignac. — No, je souis de Marseille !

Vatelin et Lucienne. — Vous !…

Soldignac. — Oui, Narcisse Soldignac, de Marseille, seulement j’ai été élevé toute petite en Angleterre, où j’ai toujours vécu pour mes affaires, et où je me suis marié, mais devant le Consulat français, par conséquent vous pouvez préparer les pièces.

Vatelin. — Ah ! alors il faut que…

Soldignac. — Evidemment, puisque je souis Français.

Vatelin. — Oui, oui, oui… (À part.) Moi… c’est moi qui… Ah, ça ! c’est le comble !…

Soldignac. — C’est convenu !… je vous demande pardon parce que je souis pressé.

Vatelin, à part. — Ah ! et puis, après tout, qu’est-ce que je risque. (Haut.) Eh ! bien, c’est entendu, seulement tout cela est soumis à une condition essentielle, c’est que vous, surpreniez votre femme et son complice !

Soldignac. — Naturellement ! mais puisque je les pince ce soir, 48, rue Roquepaïne.

Vatelin, à part. — Oui, pas si bête que tu nous y trouves !

Soldignac. — Et quant au monsieur, quand je l’aurai entre les mains je me réserve pour mon plaisir de lui donner une petite leçon de boxe.

Vatelin. — Ah ! vous êtes fort à…

Soldignac. — Moi ? très fort !… Ma femme aussi, c’est moi qui loui ai appris !… Une fois je me souis battu avec le premier champion de Londres, ah ! je loui ai flanqué une de ces tatouilles, comme nous disons en Provence. Il a reçu un tel coup de poing qu’il en a traversé la Manche.

Lucienne. — Oh ! oh ! oh !

Soldignac. — Je vous assure,… le soir même par le premier paquebot.

Vatelin. — Ah ! bon !

Lucienne. — C’est que vous avez une façon d’accommoder vos récit à la Provençale.

Soldignac. — Que voulez-vous, si j’ai pris, le flegme anglais… j’ai tout de même la nature de mon pays… (Avec un peu de lyrisme.) Même à travers mon brouillard de Londres, on retrouve un rayon de soleil du Midi.

Lucienne. — Oh ! mais vous êtes poète.

Soldignac, changeant de ton. — No, j’ai pas le temps, je souis pressé… business is business comme nous disons à Londres. Au revoir…