Rédillon. — Monsieur ?
Pontagnac. — Je croyais que vous me parliez.
Rédillon. — Pas du tout !
Pontagnac. — Je vous demande pardon !
Rédillon. — Il n’y a pas de mal… (Il se remet à siffloter.). Ssi, ssi, ssi, ssi, ssi !
Pontagnac, après un temps, agacé, se mettant à fredonner un autre air. — Hou, hou, hou, hou, hou, hou.
Rédillon a tiré un journal de sa poche et, assis sur le canapé, tournant le dos à Pontagnac, se met à lire.
Pontagnac, qui a avisé la Revue des Deux-Mondes sur la table, se met à la parcourir d’un air désœuvré.
Scène VII
Les Mêmes, Lucienne
Lucienne. — Je suis désolée d’interrompre votre conversation (Les deux hommes referment l’un son journal, l’autre son livre et se lèvent), mais mon mari vous demande, monsieur Pontagnac, il tient à vous montrer son Corot.
Pontagnac. — Ah ! il tient !…
Lucienne. — Tenez, c’est par là, tout droit.
Pontagnac, se dirigeant sans enthousiasme. — Par là ?
Lucienne. — Oui ! Eh bien ! allez !
Pontagnac, reprenant son chapeau et sa canne qu’il avait posés sur la table. — Oui, oui… (Après un temps.) Monsieur ne désire pas venir aussi ?
Rédillon. — Moi ?
Lucienne. — Non, il n’est pas amateur de tableaux !
Pontagnac. — Ah ! ah !… Alors ! (Au moment de sortir.) Ca m’embête de les laisser tous les deux.
Il sort à droite, deuxième plan.
Lucienne, à Rédillon qui arpente nerveusement la scène. — Asseyez-vous, cher ami.
Rédillon, qui a gagné la droite. — Merci, je suis venu en voiture, j’ai besoin de marcher.
Lucienne, allant à la cheminée. — Qu’est-ce que vous avez ?
Rédillon. — Rien ! Est-ce que j’ai l’air d’avoir quelque chose ?
Lucienne, à la cheminée. — Vous ressemblez à un ours en cage ! C’est la présence de ce monsieur qui vous chiffonne ?
Rédillon. — Moi ? Ah ! bien, c’est ça qui m’est égal ! Si vous croyez que je m’occupe de ce monsieur !
Lucienne. — Ah ! je croyais…
Rédillon. — Ah !… là, là, si je m’en occupe… (Après un temps.) Qu’est-ce que c’est que cet homme ?
Lucienne. — Puisque vous ne vous occupez pas de lui !
Rédillon. — Oh ! pardon si je suis indiscret.
Lucienne. — Je vous pardonne.